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jeudi 27 août 2009

Comment le Monde Diplo disqualifie les bobos

J'ai toujours été très agacé par l'usage du mot "bobo". Surgi de nulle part comme nouvelle invention rhétorique en même temps que les start-up, pour moi c'est un mot chargé idéologiquement. J'ai pourtant connu un type qui a fait sa thèse dessus à l'EHESS, mais je ne crois pas qu'il l'ait publiée. Dans un article sur les nouveaux militants, ils sont associés aux bobos sans que le lien soit documenté d'ailleurs.

Généralement ce mot est associé à des personnes qui ont un rapport complexé par rapport à leur argent et qui ont un revenu confortable. Elles n'ont pas un usage ostentatoire de leur richesse et s'opposent en cela aux nouveaux riches. Les bobos auraient aussi un rapport décomplexé au politique, ils feraient ça moins "sérieusement". Bref, pas assez établis, trop "bohême"...

Si je tâche me souvenir sans faire de recherche sur qui emploie ce mot, je dirais que c'est la droite bling bling ou la gauche caviar se moquant de la gauche bobo. Un nouveau conflit de classe en quelque sorte : discréditer pour mieux régner. L'arrivée massive d'une nouvelle population, hautement diplômée, allait bien avoir des impacts en terme de représentation politique. Ceux-ci, suppose-t-on, travaillent dans de nouveaux secteurs (urbanisme,...) , ce que définit Bourdieu en quelque sorte comme les petits bourgeois. Il serait par exemple intéressant de faire une étude des universitaires engagés dans les partis politiques. Est-ce une catégorie spécialement surreprésentée parmi les élus politiques ? Je ne crois pas, si on excepte le secteur médical. Les médecins restent depuis longtemps la caricature des notables, avec les avocats : la formation traditionnelle, ça reste Sciences Po, les facultés de droit et de médecine.

L'engagement politique des diplômés non-traditionnels trouvera au fil du temps une niche. Mais ça appelle un partage du pouvoir avec les élites préexistantes. Sans heurt ? Évidemment non, la mixité sociale en politique est une lutte connue. La formule est connue : il faut mieux être un homme blanc CSP+ sexagénaire hétérosexuel et parlant "sans accent" le français. Si on déroge à l'une des conditions, on a intérêt de satisfaire les autres sinon on est en proie à une discrimination multiple.

Sur la jeunesse, qu'une discrimination institutionnelle vient frapper, la situation empire, en témoigne le tableau ici de la répartition par âge des députés présents à l'Assemblée Nationale depuis 1981, réalisé par Louis Chauvel.



Il y a plusieurs motifs de discrimination qui peuvent se superposer, mais qui ne sont pas en conflit. La lutte pour la participation des milieux populaires reste d'une nécessité criante. Mais en quoi le Monde Diplomatique est destiné moins aux bobos qu'aux ouvriers ? Comment certains milieux sociaux seraient plus légitimes à s'engager que d'autres ? Où est l'égalité politique dans tout ça ? Mystère...

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