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vendredi 21 août 2009

Comment faire croire qu'on a lu plein de livres en citant beaucoup

Il y a deux écoles. Soit éviter de citer les autres (sauf soi-même), soit citer tous ses amis. Ici chaque article citera au moins un auteur et un livre ou un rapport. Cette habitude de citer est très courante en sociologie mais n'est pas aussi courante en histoire. Jean-Claude Kaufmann cite beaucoup d'auteurs, de livres, dans ses livres sans qu'on comprenne toujours le sens. La traduction collective de deux petits livres de John Dewey nous a mis aussi devant un autre problème : les citations, sans les références, d'auteurs américains des années 30 ou 40, comme Santayana, sans qu'il nous soit possible de retrouver d'où c'est tiré.

En fait, il y a beaucoup plus de stratégies autour de la citation. Partant du principe que la bibliométrie est basée sur une conception stupide de la valeur de la citation, Stéphane Olivesi répertorie un certain nombre de raisons de citer après une dizaine d'entretiens avec différents types d'universitaire (maitres de conférence, doctorants ou professeurs). Ainsi dans son livre Référence, déférence, p.35, il établit un tableau qui me paraît assez complet :

Registre primaire (relation directe avec les cités) :
  • logique de cooptation (pour le professeur qui choisit ses disciples)
  • logique d'allégeance
  • logique de reconnaissance
  • logique d'interdépendance
  • logique de connivence
  • logique d'appartenance
  • logique d'autopromotion
Registre secondaire (le citeur n'appartient pas au même monde que les personnes citées) :
  • logique d'imposition de définition
  • logique de monstration de ressources ("Moins on a de confiture, plus on l'étale")
  • logique de légitimation
Enfin le registre négatif (où c'est un vrai contresens de croire que la citation fait la valeur) :
  • logique d'occultation (on oublie de citer)
  • logique de raréfaction
  • logique d'ignorance
  • logique de critique
  • logique allusive
  • logique anomique
Je ne peux pas expliciter les nuances ici, le livre est assez court pour être lu rapidement. Mais cela a donné du grain à moudre dans le mouvement des chercheurs du Printemps 2009 où les bases de l'évaluation restent à explorer.

Tout ça pour dire que j'évoquerai bientôt les livres suivants s'ils arrivent un jour :
Ajout du 23 août : j'ai écouté une très intéressante conférence sur la bibliométrie et l'évaluation des sciences sociales par Yves Gingras en podcast. On apprend notamment que la bibliométrie n'est pas ce qu'on entend en temps normal et que les classements de Shanghai & Co ne sont pas réalisés par des bibliomètres.

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