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dimanche 9 août 2009

Comment développer l'innovation ? L'exemple de la Main à la Pâte

Une lecture pour un job que je n'aurai finalement pas a permis de me faire avancer dans deux domaines. J'ai fini de lire cette semaine L'enfant et la science, le livre décrivant les expériences de la main à la pâte.

J'étais curieux des pratiques innovantes dans les établissements scolaires parisiens. Dans le 18e arrondissement de Paris, je suis notamment à la recherche d'établissements pour deux projets. L'un concerne l'Atelier Santé Ville du 18e et l'autre un projet d'éducation aux droits de l'Homme avec la section du 18e de la LDH. On cherche des établissements qui auraient déjà une démarche orientée vers la promotion de la santé ou les droits de l'homme avec des méthodes actives. Pour le moment, je n'en ai trouvé qu'un seul.

Puis une copine m'a reparlé début juillet de l'ouvrage d'Ivan Illich sur la déscolarisation qui ne m'avait pas laissé un très grand souvenir. En en parlant avec elle, je me suis aperçu que les éléments que j'en avais gardés étaient même un peu erronés. Je ne voyais pas ses perspectives radicales comme étant de nature à lutter contre les inégalités sociales favorisées par l'école.

Puis j'ai lu cette semaine un petit texte d'Isabelle Stengers qui dit exactement le contraire avec l'expérience des réseaux d'échanges réciproques des savoirs. Puis le même jour, je commençais la lecture de la Main à la pâte. Et là ça a fait tilt. Ce livre a plus d'une qualité : il fait réfléchir à la place des chercheurs dans l'élaboration des programmes et plus largement à la place du chercheur en société. Il relate l'expérience de cette initiation aux sciences en primaire durant 10 ans et sur l'intérêt des méthodes dynamiques pour la construction des savoirs, ce dont tout le monde ou presque est convaincu.

Et j'ai appris des choses. D'une part, la Main à la pâte a développé des activités autour de la nutrition (je le ferai savoir aux Ateliers Santé Ville de Paris). L'accent est mis dans le bouquin sur l'intérêt de cette initiation aux sciences où les enfants doivent développer eux mêmes des hypothèses, en discuter en groupe et tester ces hypothèses. En plus des méthodes actives, ces expériences de débat sont très intéressantes pour la formation à l'esprit critique, à l'écoute et à la tolérance comme le soulignent les auteurs. Typiquement ce que je voulais savoir pour les débats du projet d'éducation aux droits de l'homme avec la LDH. Seul bémol, on ne traite ici que des sciences expérimentales, mais pas tellement des sciences sociales...

Enfin, le livre témoigne d'une chose que je ne savais pas. L'innovation dans l'éducation nationale n'est pas morte avec le mouvement Freinet, ce que je croyais naïvement. Ce sera toujours une gaffe de moins à faire dès que je verrai à la rentrée un chef d'établissement. J'ai donc découvert qu'il existait un dispositif dans chaque académie. Il existe même un annuaire avec un compte-rendu pour chaque établissement.

Du coup, j'ai fait quelques découvertes. Oui il existe des expériences de gouvernance démocratique à l'école (j'écrirai un article là-dessus). Il existe aussi des expériences de réseaux d'échanges réciproques des savoirs. Bref pleins de choses à creuser. Sauf que je n'ai pas trouvé grand chose sur Paris pour le moment qui converge avec ce que je cherche en éducation à la santé et à la citoyenneté. Il n'existe pas non plus à ma connaissance d'établissement qui développe une stratégie globale en matière de santé, alors qu'il existe les éco-écoles, qui ont rédigé leur agenda 21. Aucune trace par contre des "écoles en santé" qui existent en Belgique ou en Suisse, et bien sûr partout en Europe avec le Réseau Schools for Health dont je parlerai aussi bientôt.

Pour boucler la boucle, je ne peux pas m'empêcher de revenir théoriquement sur la diffusion de l'innovation. Dès ma première année de fac de socio, j'ai été très frappé par l'ouvrage de Michel Crozier, la Crise de l'intelligence, et notamment sa description de la manière dont se déroulent quasi-systématiquement les réformes en France : un processus descendant, venant d'une équipe de technocrates pour s'imposer sur le terrain. Ce livre revenait aussi sur les moyens de faire émerger les innovations à la SNCF telles qu'elles se font sur le terrain (elles existent...). Finalement, la Main à la pâte est un excellent exemple d'une innovation qui n'a pas encore été une réforme. Elle est tout simplement partie d'une conjonction de bonnes volontés (institutionnelles, universitaires, associatives, industrielles). Elle n'est pas généralisée dans toutes les écoles et le livre produit un certain nombre de recommandations après dix ans d'expérimentation dans un grand nombre d'établissements français et étrangers (l'accompagnement des enseignants, les modalités d'évaluation,...).

La démarche commune entre le livre sur la Main à la pâte et le livre de Crozier pour pouvoir transposer les dispositifs innovants sans les imposer m'a sauté aux yeux. Pour autant, ce n'est pas forcément suffisant aux yeux de tous. Puisque ça marche, tout le monde devrait pouvoir en profiter, non ? Quand on voit le nombre d'activités réglementaires obligatoires, qui sont soit inexistantes, soit des coquilles vides dans les établissements scolaires par manque de temps et de moyens, je doute qu'ajouter une nouvelle contrainte depuis le ministère prouve son efficacité.

Peut-être qu'il existe une étude systématique sur les manières de favoriser l'innovation, et pas seulement dans le secteur marchand. Cette préoccupation rejoint en partie une discussion que j'ai eu autour de la place marginale en France des recherches-actions (et de l'attrait quasi-inexistant dans le monde académique). À suivre...

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