Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.

samedi 11 décembre 2010

Comment définir l'innovation sociale

L’innovation sociale est un processus de « cocréation » et de « coproduction » entre les citoyens et les acteurs institutionnels

Les participants ont convenu que l’innovation sociale est un processus de « cocréation » et de « coproduction » de solutions visant à répondre aux besoins des individus et de la société – au sein duquel les individus, les familles et les organismes communautaires (au même titre que les entreprises à but lucratif et les gouvernements, dans bien des cas) sont considérés comme des catalyseurs potentiels d’innovation.

Les étapes de cette cocréation consistent 1) à constater un problème donné et à décider de le régler; 2) à comprendre la nature du problème, y compris ses causes et son évolution; 3) à faire participer tous les intervenants pertinents en vue d’élaborer un prototype de solution; 4) à mettre en œuvre la solution; et 5) à en évaluer l’impact.

Bien qu’elle soit clairement liée à l’innovation sociale (et qu’elle offre des synergies potentielles et des possibilités de cocréation et de coproduction), l’innovation du secteur public est vue comme un phénomène par lequel les gouvernements améliorent les politiques et les services, non seulement « pour » les citoyens, mais surtout, « avec » les individus et leurs communautés. Comme dans le cas des innovations sociales axées sur l’ensemble de la communauté, un processus d’innovation du secteur public axé sur les citoyens nécessite de nouvelles formes de partenariat et de réseaux regroupant les gouvernements, les entreprises et les organismes communautaires, ainsi que les individus et leurs familles.

Source : Résumé de la table ronde internationale sur l’innovation sociale (18 mars 2010)

mercredi 8 décembre 2010

Comment l'OCDE recommande la transparence pour les consultations en ligne

Les nouvelles technologies de la communication peuvent aider les citoyens à mieux comprendre les enjeux publics et à améliorer la qualité de leur participation à la vie publique. Les consultations publiques devenant une pratique courante dans l’Organisation, l'OCDE a mis au point un ensemble de recommandations afin de rendre les sondages publics en ligne les plus transparents et productifs possibles.
AVANT la consultation :
1. Le processus de consultation commence bien avant la consultation elle-même.
  • Plusieurs mois avant la consultation elle-même, commencer à l’annoncer afin que les organisations concernées soient prévenues et s’y soient préparées.
  • Demander aux organisations de la société civile (OSC) qui s’intéressent à vos travaux de faire circuler l’information.
  • Demander aux délégations d'identifier les OSC concernées et d'annoncer la consultation.
  • Demander de suggérer des organismes à consulter.
  • Identifier les lettres d’information internationales qui traitent du sujet et leur demander d’annoncer la consultation.
  • Relayer l’information par l’intermédiaire de canaux de communication (communiqués de presse, A la une de l’OCDE, etc.).
2. Identifier les organisations ayant l’expertise nécessaire et tenir à jour une base de données.
  • Exploiter toutes les ressources possibles – Internet, OSC, membres de comités de l'OCDE, délégations permanentes – pour toucher les interlocuteurs les plus adaptés. Tenir à jour une base de données, qui, tout comme les listes de distribution, contiendra aussi les centres d’information et les sections régionales des OSC. Leur demander de diffuser l’information publiquement sur leurs propres sites web.
AU LANCEMENT de la consultation :
3. Expliquer la procédure de consultation et la manière dont seront traitées les réponses.
Un document de consultation devra être envoyé à vos contacts au moment du lancement de la consultation et publié sur votre site web. Il doit contenir les éléments suivants :
  • Qui va utiliser les réponses et dans quel objectif.
  • Une mention explicite du contact à qui envoyer les réponses, avec un nom, une adresse, un numéro de téléphone et un e-mail (le responsable du projet), bien en évidence.
  • L’indication claire de la date limite de réponse, d’éventuels modes de contribution alternatifs et de la (ou des) langue(s) à utiliser de préférence dans les réponses.
  • L’avertissement explicite que les réponses, ainsi que les noms et adresses des répondants, pourront être rendus publics sauf si ceux-ci demandent spécifiquement qu’ils soient tenus confidentiels.
  • L’indication de la date et de l’adresse web où sera publiée la synthèse des réponses.
4. Simplifier le processus : fournir toute la documentation nécessaire.
  • Fournir tous les documents utiles sur le sujet avec le questionnaire ou l’enquête en ligne. Non seulement cela permet un processus de consultation plus éclairé, mais en outre cela permet aux parties prenantes d’avoir une meilleure compréhension des problèmes.
  • Inclure une synthèse exécutive bien écrite qui décrive les grandes lignes de l’enquête, afin que les personnes consultées puissent décider si la consultation les concernent ou non.
  • Joindre les documents relatifs à une (des) consultation(s) antérieure(s) sur le même sujet, le cas échéant.
  • Éviter le jargon et n’utiliser de termes techniques qu’en cas de nécessité. Expliciter les concepts complexes aussi clairement que possible et, si des termes techniques sont présents, inclure un glossaire.
  • Poser des questions ciblées, et indiquer clairement sur quels points spécifiques vous souhaitez connaître l’opinion des répondants. Inviter les répondants à donner des éléments concrets à l’appui de leurs réponses. Signalez clairement s’il y a des domaines particuliers où leur contribution serait particulièrement intéressante. Les réponses seront plus utiles et plus centrées sur le sujet si les répondants savent sur quoi concentrer leurs efforts.
5. Prévoyez suffisamment de temps pour les réponses.
  • Prévoir 8 à 12 semaines pour les réponses – et, tout aussi important, prévoir suffisamment de temps entre la fin de la consultation et la discussion formelle des résultats pour le dépouillage des réponses et leur synthèse sous une forme facile à comprendre. Lorsqu’une consultation est organisée pendant une période de fêtes, prolonger la période de réponses (jusqu’à quatre semaines supplémentaires).
APRÈS la consultation :
6. Faire l’analyse et la synthèse des réponses pour une discussion formelle et la publication sur le site web.
  • Compiler et analyser les commentaires, puis rédiger une brève synthèse mettant en évidence les principaux points. Ce travail sera présenté pour une discussion formelle et publié sur le site web à l’issue du processus.
  • L’analyse des réponses ne saurait se limiter à un simple comptage des votes. Une attention particulière doit être portée à d’éventuelles nouvelles approches de la question sur laquelle porte la consultation ; à d’autres éléments concernant l’impact des propositions ; et à la charge émotionnelle suscitée par la question chez des groupes de pression similaires.
  • Tout mettre en œuvre pour que la discussion prenne en considération l’opinion du public.
7. Présenter les résultats au public sur le site web et par les autres canaux de communication
  • La publication des réponses sur le site web ne suffit pas. Il importe également de présenter le produit final dans le cadre du débat, et, si possible, d’expliquer l’impact éventuel que l’opinion public a pu avoir sur la discussion.
  • S’efforcer de publier la synthèse des réponses publiques sur le site web à l’issue du processus. D’autres formes de feedback pourront aussi être envisagées, comme une note sur le site web exprimant l'appréciation de la réponse du public ainsi que son impact.
  • Fournir des informations sur les thèmes qui ont pu ressortir de la consultation et n’étaient pas couverts par les questions.
  • Lorsque cela est possible, donner une synthèse des prochaines étapes du projet.
  • Éventuellement, envoyer tout ou partie des éléments cités ci-dessus aux organisations qui ont contribué en diffuser l’information sur la consultation publique sur leur site web.
8. Évaluer votre efficacité.
  • Inviter les répondants à donner leur avis sur le processus de consultation et à suggérer des moyens de l'améliorer.
  • Indiquer explicitement les personnes à contacter si les répondants ont des commentaires ou des réclamations à faire concernant le processus de consultation. Il doit s’agir d’une personne n’appartenant pas à l’équipe qui a organisé la consultation.
  • Dans la perspective de vos travaux futurs, considérer la pertinence, la portée et les thèmes couverts ainsi que le nombre et le type des commentaires reçus.

samedi 27 novembre 2010

Comment pousser les initiatives européennes citoyennes

En ce moment même, les institutions européennes sont en train de décider du sort d'un nouvel outil démocratique qui pourrait changer la conduite de la politique européenne.

L'Initiative Citoyenne Européenne (ICE) oblige la Commission Européenne à agir lorsqu'elle reçoit une demande émanant de plus d'un million de citoyens. Mais aujourd'hui, certains responsables politiques s'opposent à l'approfondissement de la participation citoyenne dans la gouvernance, et tentent d'imposer des critères contraignants qui rendraient l'ICE inaccessible et sans pouvoir.

Les négociations entrent dans une phase critique. Une vague de soutien massif aux membres du Parlement Européen les plus impliqués dans ces négociations pourrait influer sur le débat et renforcer définitivement la place des citoyens dans le processus législatif européen. Signez la pétition et faites passer le message -- notre pétition sera présentée par les Parlementaires européens participant aux dernières réunions de négociation.
http://www.avaaz.org/fr/eu_citizens_initiative/?fpbr

mercredi 27 octobre 2010

Comment faire boire un cheval qui n'a pas soif

Le conseil de la jeunesse du 18e organise une projection-débat. "On ne peut pas faire boire un cheval qui n'a pas soif" de Jonathan Duong et Maud Girault, est un film documentaire sur l'école Vitruve, dans le XXème à Paris, une école différente où la parole des élèves est très écoutée. Depuis 20 ans, la convention internationale des droits de l'enfant reconnaît le droit aux mineurs de participer aux décisions qui les concerne. Comment rendre ce droit possible à l'école?
Le film nous donnera les pistes pour en débattre.

mardi 9 novembre 2010 à 19h30

Projection-débat : Ecole, les élèves ont-ils la parole ?
  • 19h30 Projection "On ne peut pas faire boire un cheval qui n'a pas soif" (documentaire, 85 mn)
  • 21h Débat avec le réalisateur Jonathan Duong
Entrée libre
Centre musical Fleury Goutte d'Or - Barbara
1 rue Fleury
Métro Barbès-Rochechouart ou Gare-du-Nord
75018 Paris

carte

Comment Internet requestionne le pouvoir


Xavier de la Porte cite dans un article récent une ethnographe américaine que je ne connaissais pas. Elle travaille sur les réseaux sociaux et dit des choses très intéressantes à propos d'Internet. Xavier de la Porte résume les 4 défis dont l'ethnographe parlerait à propos des TIC :
  • La démocratisation : danah boyd tient à dénoncer ce qu’elle considère comme une erreur : le passage d’un modèle fondé sur la distribution à un modèle de l’attention n’est pas, en soi, porteur de démocratie. “Ce n’est pas simplement parce que nous passons à un état où tout le monde peut obtenir l’information que l’attention sera équitablement répartie.” Mais elle tient à dénoncer ce qu’elle considère comme une seconde erreur : ce ne sera pas non plus la méritocratie : “Certains, écrit-elle, penseront immédiatement : “Ah, mais c’est alors une méritocratie. Les gens donneront leur attention à ce qu’il y a de mieux !” C’est là encore une erreur logique. Ce à quoi les gens accordent leur attention dépend d’une série de facteurs qui n’ont rien à voir avec la qualité. Au un niveau très basique, considérons le rôle de la langue. Les gens accordent leur attention à un contenu qui est émis dans leur langue, même s’ils peuvent avoir accès à des contenus dans une multitude de langues. Ce qui signifie que, grâce à la loi du nombre, des contenus en Chinois attireront bientôt un plus grand nombre de visiteurs que des contenus en Anglais, et à plus forte raison en Allemand ou en Hébreu.” Voici pour la question de la démocratisation.
  • La stimulation : danah boyd explique que les gens consomment d’abord les contenus qui stimulent, c’est-à-dire qui provoquent une réponse émotionnelle. Ce n’est pas toujours le contenu le “meilleur” ou le plus instructif, mais c’est le contenu qui provoque une réaction. Or, ajoute-t-elle “en soi, ce n’est pas forcément une bonne chose”. danah boyd fait ensuite une analogie qui vaut ce qu’elle vaut, mais qui n’est pas inintéressante : “Considérons la réaction équivalente dans le champ de la nutrition. Nos corps sont programmés pour consommer de la graisse et des sucres parce qu’ils sont rares dans la nature. Quand nous en avons devant nous, nous avons une propension instinctive à nous en saisir. De la même manière, nous sommes biologiquement programmés à être attentifs à des choses qui stimulent : des contenus qui sont outrés, violents ou sexuels, et des potins qui humiliants, gênants, ou agressifs. Si nous n’y prenons pas garde, nous allons développer un équivalent psychologique de l’obésité. Nous allons nous retrouver à consommer les contenus qui sont le moins bénéfiques pour nous pour la société, simplement parce qu’il est désormais facile d’y avoir accès.” Certes, dit danah boyd, la stimulation créée des connexions cognitives, mais il peut aussi y avoir surplus de stimulation. C’est un effet possible des évolutions qui ont lieu, et il faut compter, selon elle, sur ceux qui vont tenter d’exploiter cette dynamique dans leur propre intérêt, via le ragot dont danah boyd explique en détail comment il constitue un contenu particulièrement stimulant. “Nous devons commencer à nous demander ce que serait l’équilibre, et comment nous pourrions favoriser un environnement qui valorise la consommation de contenus qui bénéficient tout ensemble à l’individu et à la société. Ou, a tout le moins, comment nous pouvons apprendre à ne pas nourrir les trolls.”
  • L’homophilie : “Dans un monde de média connecté, explique danah boyd, il est facile d’éviter les points de vue de ceux qui pensent différemment de nous. L’information peut prendre des chemins qui renforcent les divisions de la société et c’est ce qu’elle fait d’ailleurs.” Si au cœur de la philosophie démocratique, il y a le partage de l’information, ajoute danah boyd, sa trop grande segmentation risque de nous priver du socle rhétorique commun nécessaire à son bon fonctionnement. Là, danah boyd détaille : “à l’occasion de mes travaux sur les réseaux sociaux, j’ai été étonnée par ces gens qui croient que tout site internet est fabriqué pour des gens comme eux. J’ai interviewé des gays qui pensaient que Friendster était un site de rencontre pour homosexuels parce qu’ils n’y voyaient que des gays. J’ai interviewé des adolescents qui pensaient que tout le monde sur MySpace était chrétien parce que tous les profils qu’ils voyaient contenaient des citations de la Bible. Nous vivons tous dans notre propre monde, avec des gens qui partagent nos valeurs ; avec les médias connectés, il peut être difficile de voir au-delà de ce que nous sommes en train de regarder.” danah boyd explique qu’il existe néanmoins aujourd’hui un moyen de décentrer, c’est de suivre les trendings topics de Twitter (il s’agit de suivre une conversation autour d’un sujet). Là, explique-t-elle, on peut se trouver confronté à des manières de penser tout autre (elle cite l’exemple d’une conversation sur la diversité culturelle et linguistique commencée en Afrique du Sud autour du hashtag #thingsdarkiessay). Mais conclut-elle tristement sur ce point : “A l’âge des médias connectés, nous devons reconnaître que les réseaux sont homophiles et agir en conséquence. La technologie n’a pas dans son essence de mettre fin aux divisions de la société. Et même, plus souvent qu’à son tour, elle les renforce.”
  • Le pouvoir : “Le pouvoir, c’est être capable de commander l’attention, d’influencer l’attention des autres, d’une certaine manière la circulation de l’information. Nous donnons le pouvoir aux gens quand nous leur donnons notre attention.” Or, dans une société en réseau, il y a aussi du pouvoir dans le fait d’être celui qui répand le contenu. “Quand, avec Scott Golder, j’ai examiné les retweets sur Twitter, nous sommes tombés sur une question fascinante. Pour faire court, faut-il créditer l’auteur du contenu ou celui par lequel vous est venue l’information ? Instinctivement, on aurait tendance à penser que l’auteur est celui vers qui va notre reconnaissance. Mais, peu d’idées sont vraiment le produit d’un seul individu. Pourquoi donc ne pas reconnaître le messager qui aide le contenu à s’écouler ? Elle en conclut que nous débarrasser des limites imposées par des canaux de distribution centralisés n’a donc pas correspondu à un transfert du pouvoir vers les créateurs de contenu. On a assisté au contraire, explique-t-elle, à l’émergence d’un nouveau genre de marchand de l’information, des gens qui tirent leur pouvoir d’une position structurelle.
L'article en entier se lit ici.

mardi 26 octobre 2010

Comment la démocratie est apparue sur Internet

L’espace public traditionnel s'est transformé avec l'arrivée d'Internet et c'est précisément ce qu'étudie Dominique Cardon, sociologue au Laboratoire des usages d’Orange Labs dans son dernier ouvrage au Seuil : la démocratie Internet. "Cet ouvrage voudrait montrer comment (ces attentes) dessinent une forme démocratique propre dont on peut trouver les principes dans l'histoire, les valeurs et les usages d'Internet."(p.10) En permettant à chaque lecteur d'être aussi contributeur à égalité avec les autres, la liberté d'expression prend son envol. Les portes-paroles traditionnels ont plus de difficultés à trier et organiser les informations disponibles pour le public.

L'auteur arrive à retracer ce que fait le web à la démocratie en se concentrant avec nuance sur les vertus de la libération de cette parole dans l'espace public : "Internet permet donc d'enrichir la discussion politique des citoyens. Mais il creuse aussi la fracture entre ceux qui lisent, s'affichent et discutent de politique, et ceux qui, moins politisés, informés par les seuls médias télévisés, n'entrent pas dans la conversation numérique." (p.69)

Les autres facettes de l'e-démocratie sont très rapidement esquissées dans cette synthèse efficace pour le lecteur quel que soit son usage des nouvelles technologies. On aurait aimé voir plus long comme les autres ouvrages de la même collection.

Quelques extraits :

p.86 Par le haut et par le bas, c'est la libération des informations qui, non sans risque, permet aux internautes de s'auto-organiser pour produire des formes collectives et critiques d'un nouveau genre.

p. 100 La méfiance à l'égard d'une parole sans contrôle ni censure cache une méfiance encore plus grande à l'endroit d'une société auto-organisée.

p.85 En rendant plus transparent le travail des administrations et des entreprises, l'accès aux données publiques ne préjuge pas des usages que les internautes, les collectifs associatifs, mais aussi les entreprises et les lobbies, pourront en faire. Soutenu par un argument libéral et une visée libertaire, le mouvement des "données ouvertes" se méfie de la capacité des représentants de conduire le débat avec les citoyens et incite ces derniers à profiter de l'ouverture des données pour les visualiser à leur guise, les agréger en fonction de leur questionnement, les croiser selon leurs interrogations propres.

p.84 Dès lors, celles-ci ne doivent pas chercher à initier ni conduire le débat, mais seulement à rendre plus faciles les conditions dans lesquelles les internautes peuvent créer leur propre débat.

p.80 Derrière l'horizon démocratique du "tout-participatif" se reproduisent des partages qui ont pour origine l'inégale distribution des capitaux socioculturels.

P.19 La participation se répartit systématiquement selon une "loi de puissance" (parfois appelée loi des 1/10/100) qui voit une fraction minime de contributeurs être très active, une petite minorité participer régulièrement et la masse bénéficier des ressources de la communauté sans y apporter de contribution décisive.

lundi 25 octobre 2010

Comment remettre des trophées de l'e-démocratie

Depuis dix ans, Internet et les réseaux sociaux ont développé de nouveaux comportements tournés vers le partage et la collaboration. Ces comportements qui poussent à l'auto-organisation sont fondés sur une culture prononcée pour la transparence et l'accès libre aux données. En chaque internaute se cache un lecteur mais surtout un contributeur potentiel : la participation devient directe entre les lecteurs participants sous la forme d’avis ou de commentaires.

La relation avec les institutions politiques s'en trouve modifiée puisque de nouvelles formes d'interaction dans la gouvernance sont possibles en dehors des périodes électorales. Les sociétés contemporaines sont désormais confrontées à des attentes renouvelées : on parle ainsi de gouvernement ouvert (Open government), de données ouvertes (Open data).

Mais jusqu'où les expériences d'e-démocratie sont-elles allées ? Quelles potentialités recèlent-elles pour les citoyens ? Quels seront les impacts de l'e-démocratie pour la société ? Mais avant tout, qu'est-ce qu'on entend généralement par e-démocratie ? 

L'e-démocratie kezako ?

On peut distinguer quatre grandes tendances que l'on retrouve dans le dossier de Territoires consacré à ce thème publié en février 2010 (n°505). On a d'abord le vote électronique qui connaît ses détracteurs en France. Il est utilisé principalement durant les élections traditionnelles et ne contribue pas à rapprocher les citoyens de la vie politique ou de leurs représentants.

La deuxième possibilité, qui est celle du gouvernement ouvert, repose sur l'idée que la gouvernance doit changer en même temps que les innovations technologiques. Cette évolution de la pensée démocratique implique que les processus de prise de décision, de gouvernement et d’administration doivent être aussi transparents que possible pour permettre une implication forte des citoyens en dehors de la période électorale.

À condition d'être intelligibles, les informations désormais disponibles via internet permettent d'inclure plus de gens dans la boucle en réduisant la distance entre les représentants et les représentés. On peut donc avoir accès au déroulement des travaux des assemblées élues et cette nouvelle transparence est un moteur de la confiance comme a pu l'être l'accès aux documents administratifs par le passé.
Un troisième aspect dérive du gouvernement ouvert sur l'extérieur. Il s'agit de l'ouverture des données publiques. On entend par là toutes les données publiques non nominatives ayant une dimension territoriale, produites soit par l'État, soit par une collectivité territoriale ou même une entreprise sous contrat public.

Ces données permettent, en étant réutilisées par les citoyens eux-même, de produire des services innovants. Comme cette dimension est complexe, Territoires reviendra d'ailleurs dans un prochain numéro sur les usages innovants qui peuvent être faits en France comme à l'étranger dans le domaine.

Enfin, la dernière possibilité à laquelle on pense quand on évoque l'e-démocratie est la participation en ligne. Qu'est-ce qui est vraiment participatif ? Qu'un processus soit accessible sur internet ou non, la question se pose. Pour séparer le bon grain de l'ivraie, il faut distinguer les sites de débat et les sites collaboratifs. Qui décide du résultat final ? Seuls les sites collaboratifs (comme Wikipedia) permettent que la synthèse soit validée par leurs participants.

La plupart des sites dits « participatifs »  relèvent plus du débat public : les internautes réagissent mais leurs propos seront filtrés par les élus qui en feront leur propre analyse. Il n'y a pas plus de place pour peser sur la décision finale que pour une banale pétition, alors que la démocratie participative implique une redistribution des pouvoirs (et de la prise de décision).

L'e-démocratie sur le chemin de la participation ?

Comme chaque année, la ville d'Issy-les-Moulineaux vient d'organiser du 13 au 15 octobre 2010 les Trophées de l'e-démocratie qui récompensent un organisme qui, dans le cadre d'un projet de démocratie sur internet,  « a su manier originalité et pertinence tout en remplissant l’objectif de rendre service aux citoyens ».

Cette année encore, beaucoup d'expériences scrutées et notées par la trentaine d'experts du jury relevaient davantage de l'e-administration que de la participation citoyenne. Ils ne résisteraient pas aux exigences portées par le manifeste que l'Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale (ADELS) a adopté cette année autour de trois valeurs essentielles que sont l'égalité politique, la justice sociale et l'auto-organisation. Mais qu'en est-il des lauréats du concours français pour l'édition 2010 ?

Trois grands prix ont été décernés dans les catégories International, Europe et France : pour la France, c'est le nouveau site internet du Médiateur de la République  qui a remporté le trophée, tandis que le lauréat européen a été remis à la métropole de Rennes. Enfin, dans la catégorie Internationale, il s'agit d'une sénatrice australienne.

Quand il s'agit d'égalité politique, on soupçonne internet des pires maux. S'il est vrai que les internautes sont plus diplômés que les citoyens ordinaires, on pourrait reprocher à l'outil d'exclure de fait une partie de la population. L'expérience du Médiateur de la République apporte une nuance avec son expérience de-administration intelligente. Internet permet de simplifier les procédures de recours. Alors qu'elles sont soumises au droit de réserve, des personnes qui auraient peut-être gardé pour elles des situations kafkaïennes peuvent alerter le médiateur sous le couvert de l'anonymat.

Comme le rappelle le sociologue Dominique Cardon dans La démocratie Internet, « la méfiance à l'égard d'une parole sans contrôle ni censure cache une méfiance encore plus grande à l'endroit d'une société auto-organisée. » Alors que la justice sociale est certainement le parent pauvre de l'e-démocratie, force est de constater que la toile offre plus de possibilités pour toutes les expériences auto-organisées dont le projet d’encyclopédie Wikipédia est la réussite la plus connue.

Mais à qui ces expériences profitent-elles prioritairement ? Dominique Cardon le regrette, mais « derrière l'horizon démocratique du "tout-participatif" se reproduisent des partages qui ont pour origine l'inégale distribution des capitaux socioculturels. » Si l'on n'articule pas une forte présence sur le terrain à ces démarches en ligne, on oublie qu'internet est un outil de mobilisation et de collaboration parmi d'autres s'appuyant avant tout sur des réseaux humains. En continuant d'y prêter attention, on évitera de reprocher à l'e-démocratie de reproduire encore des clivages en ajoutant à la fracture numérique la fracture civique.

France

Le Médiateur de la République a été sélectionné pour son site Le Mediateur et vous, qui consacre sa fonction de relais entre les citoyens et les pouvoirs publics dans leurs réclamations. Le site est bel et bien collaboratif : les inscrits peuvent débattre et répondre aux experts ou encore dialoguer directement avec le Médiateur de la République qui pourra tenter de régler le problème. Les fonctionnaires, sous le couvert de l'anonymat, font remarquer des erreurs administratives qu'ils n'oseraient sinon pas signaler. Jean-Paul Delevoye le souligne : ce n'est pas de la dénonciation, mais ce recueil des réclamations est un élément intéressant, selon lui, dans la  « construction de la meilleure décision politique ».

Europe

Rennes Métropole et la ville de Rennes ont ouvert leurs données publiques pour les rendre disponibles à tous ceux qui voudront en faire quelque chose. C'est la première expérience française en matière de transparence qui a été sélectionnée dans la catégorie européenne. Concrètement, un certain nombre de données enfouies dans des ordinateurs sont rendues publiques en temps réel dans certains secteurs de la vie urbaine, comme l'état des transports ou des escalators. Maintenant que ces données sont accessibles et peuvent être partagées, leur réutilisation par les usagers est rendue possible. Rennes vient même de lancer un concours pour que les citoyens développent des applications sur des téléphones portables à partir de ces données.


International

C'est une sénatrice australienne, Kate Lundy, qui a reçu le trophée pour son engagement avec sa campagne Public sphere pour le gouvernement ouvert. Elle a ainsi organisé plusieurs forums pour un gouvernance plus participative. Ces rencontres qui rassemblaient des professionnels du domaine comme des citoyens a permis d’établir des recommandations en utilisant comme outil collaboratif un wiki. Ce rapport qui appelle à améliorer l’efficacité et la transparence de l’administration (loi sur l’information,...), à permettre l’implication de tous dans la réponse aux défis modernes complexes comme le changement climatique. Cette campagne a réussi en débouchant sur l'adoption par le gouvernement de l’époque d'une déclaration sur le sujet qui décline des axes de travail. Depuis, les choses évoluent : l'ensemble des publications de l'administration par exemple ne relèvent plus du copyright mais de la licence "Creative commons". Ainsi le gouvernement permet la réutilisation gratuite de toutes les informations des administrations à condition de citer la source.

dimanche 24 octobre 2010

Comment cautionner la présence des lycéens mineurs dans les manifestations

On trouve dans Libé, une information étonnante qui n'est pas sur le site internet de l’union départementale du syndicat CFE-CGC du Loiret :
elle «continuera de faire entendre sa voix en participant à la journée d’action du 28 octobre et du 6 novembre» contre la réforme des retraites, son président, Claude Guillier, a indiqué dans un communiqué qu’elle avait refusé de «signer le communiqué commun de l’intersyndicale du Loiret, estimant que les syndicats de salariés ne peuvent en aucun cas cautionner la présence de lycéens mineurs dans les manifestations».
Pourquoi les lycéens ne seraient-ils pas les bienvenus ? Est-on assez responsable quand on a quinze ans, se demandent parfois certains journalistes ?

Il est probable que l'irruption des jeunes dans les manifestations ne soit pas plus téléguidée que dans les autres manifestations où seuls les adultes viennent. Mais où est le problème ? Faudrait-il interdire la présence des mineurs dans les cortèges ? Le droit de manifester (qui n'a rien à voir avec le droit de grève) serait-il réservé aux adultes ? Ce présupposé, que partagent certains journalistes, ne repose pourtant pas sur la convention des droits de l'enfant. L'article 12 précise bien leur droit à la participation aux décisions qui les concernent.

Ce qui est étonnant en revanche, c'est que la liberté de manifester soit visiblement un problème pour les policiers qui à Montreuil ont tiré au flashball sur un jeune lycéen. Comme l'a montré la vidéo, le lycéen qui va certainement perdre son œil à cause de cette bavure, ne semblait pas constituer une menace à l'ordre public. Dans quel type de démocratie sommes-nous ?

Vidéo du lycéen blessé par un tir de flashball à Montreuil
Hochgeladen von rue89. - Nachrichtenvideos top aktuell.

mardi 19 octobre 2010

Comment permettre la coproduction citoyenne sur Internet

Le contrat de la coproduction citoyenne implique que chacun apporte ses observations et son expertise, de manière régulière ou ponctuelle, dans le but d'élaborer des propositions visant à améliorer la situation de tous. Ce processus de création est fondé sur la création progressive d’un consensus entre des intervenants, se joignant librement à un débat collectif.
 
Quelles sont les règles de fonctionnement permettant la collaboration participative la plus large et la plus efficace possible ?
 
Le contenu doit être produit sous licence ouverte. Créé collectivement, chacun doit pouvoir se l’approprier. La licence utilisée par Wikipedia, de type “Creative Commons” par attribution, se prêterait ainsi à la coproduction citoyenne. Elle autorise la réutilisation et la modification du contenu à toutes fins tant que son origine est citée et qu'il est redistribué selon des termes identiques.

Le travail de production doit s'organiser sous la forme du rassemblement
de plusieurs individus en groupes de travail, qui traiteront chacun de sujets clairement délimités
. Il est à cette fin utile que la mise en place de ces chantiers soient coordonnés, afin éviter les doublons et les hors-sujet, et de maintenir la cohérence de l’ensemble. Si les initiateurs du projet remplissent cet office au départ, le mécanisme de coordination devra à terme être confié aux plus méritants en devenant communautaire.
 
Ces groupes doivent opérer de façon indépendante les uns des autres. Il est notamment important qu’un individu ne s'intéressant qu'à un seul sujet puisse participer à un groupe sans se soucier du travail des autres, sans se sentir engagé dans un projet plus large. Il doit être clair que la participation à un groupe donné n’implique aucunement l'adhésion aux conclusions d'autres groupes.
 
Chaque groupe doit compter parmi ses membres un ou plusieurs médiateurs. Ils ont pour fonction de faciliter le déroulement des discussions, de vérifier que les règles sont bien suivies, et de veiller à la courtoisie des échanges en intervenant si nécessaire pour  résoudre les discussions les plus vives. A l’image des coordonateurs, les médiateurs doivent à terme émerger de la communauté.

Des critères de qualité, simples mais systématiques, doivent régler l'élaboration des documents produits. Les propositions se doivent d'être techniques quand c'est nécessaire, chiffrées quand c'est possible et d’intégrer le principe de confrontation au réel.
INTERNET, POLITIQUE ET COPRODUCTION CITOYENNE, Robin BERJON, Fondapol, Septembre 2010.

mercredi 13 octobre 2010

Comment reprendre son entreprise en main

Depuis une semaine est sorti "Entre nos mains". Ce film intéressera tous ceux qui considèrent les coopératives comme des réelles alternatives. Ce tournage en "cinéma direct" suit les tribulations de ce projet pensé par les cadres de l'entreprise et accompagnée par une consultante. J'avais vu ce film à Cannes puisque l'ACID avait en effet sélectionné ce long-métrage.


Confrontés à la faillite de leur entreprise de lingerie, des salariés - majoritairement des femmes - tentent de la reprendre sous forme de coopérative. Au fur et à mesure que leur projet prend forme, ils se heurtent à leur patron et à la réalité du « marché ». L’entreprise devient alors un petit théâtre où se jouent sur un ton espiègle, entre soutiens-gorge et culottes, des questions fondamentales économiques et sociales. Les salariés découvrent dans cette aventure collective une nouvelle liberté.



Avec « Entre nos mains », je voulais porter mon regard sur une « utopie » qui se confronte au réel en racontant l’histoire de « gens » qui sont amenés très concrètement à remettre en question leur manière de vivre ou de travailler et à se penser ou se percevoir autrement, à travers d’autres pratiques.
C’est pourquoi je me suis intéressée aux Scops, des entreprises qui fonctionnent sous forme de coopérative. Elles « révolutionnent » intimement notre manière instituée de travailler et de vivre ensemble et amènent chacun à penser différemment son rapport au travail, aux collègues, aux proches, et plus généralement à revoir sa  manière « d’être au monde ».

Il m’a semblé que le meilleur moyen de montrer cette révolution à la fois intime et collective était de filmer non pas une Scop déjà existante, mais plutôt le prélude à sa naissance, c’est-à-dire la période courant sur quelques mois durant laquelle les salariés envisagent de construire ensemble leur propre coopérative.

C’est ainsi que je suis arrivée à Starissima, une entreprise de lingerie féminine située à proximité d’Orléans, constituée majoritairement de femmes (c’est pour cela que je dirais elles plutôt que ils, écorchant délibérément ainsi notre sacro-sainte règle de grammaire !).

Pour la plupart, elles ont travaillé dans ce lieu toute leur vie durant sans jamais se  syndiquer - à l’exception de l’une d’entre elles - et ne se sont même jamais mises en grève malgré leurs insatisfactions et leurs maigres salaires. Starissima est donc une entreprise  figée depuis des décennies dans un système hiérarchique et paternaliste fort,  « à l’ancienne » pourrait-on dire, mais aussi paradoxalement, à l’image du monde salarial actuel, moins syndiqué et politisé qu’il y a une trentaine d’années.

Avec cette possibilité de travailler en coopérative, des femmes d’origines culturelles différentes, habituées à travailler « en clans » et de manière individualiste, allaient devoir travailler ensemble : l’enjeu pour elles était de taille. Mais plutôt que de décrire le processus économique en lui-même, ce qui m’intéressait,  c’était de filmer - dans la suite de mon film précédent « Histoire d’un secret »  - le politique à hauteur d’hommes et de femmes, et de le faire au quotidien,  en essayant de m’approcher au plus près de chacun, de son évolution singulière, pour essayer d’en dégager au final un sens plus général et plus vaste. Et de faire ainsi de cette entreprise un petit théâtre aux personnages divers et attachants où allaient se jouer des questions fondamentales  économiques et sociales.

 A l’occasion de la sortie du film, la réalisatrice va débattre avec le public dans toute la France :

13 octobre - Théâtre - Malakoff
14 octobre - Cinéma Rialto - Nice
15 octobre - Espace 1789 - Saint Ouen
19 octobre - Théâtre - Poitiers
20 octobre - Trianon - Romainville
21 octobre - Luxy - Ivry/Seine / Select - Antony
25 octobre - Gardanne
26 octobre - Château Arnoux
27 octobre - Le Royal - Toulon
29 octobre - Prévert - Les Ulis / CinéMassy - Massy
30 octobre - Les 400 Coups - Chatellerault
31 octobre - Lectoure
1 novembre - Ciné 32 - Auch
2 novembre - Sainte Foy la grande
3 octobre - Pessac / Saint Medard
4 novembre - Marmande
9 novembre - Cinécentre - Dreux
13 novembre - Lumina - Saint Lunaire

jeudi 30 septembre 2010

Comment Charpak laissera une trace indélibile

J'avais déjà raconté l'intérêt des expériences innovantes à l'école comme celle de la Main à la pâte il y a maintenant plus d'un an. Au lancement de la Main à la pâte, il s'en expliquait ainsi : ""C'est vrai. Je m'intéresse à la société, à mon pays, et je serais heureux d'être associé, par exemple, à la guérison de certaines tares comme l'échec scolaire, confirme Georges Charpak. Au CERN, j'utiliserais volontiers le poids du Nobel pour leur casser les pieds afin qu'ils intègrent plus volontiers dans les grands groupes de recherche quelques inadaptés dans mon genre qui travailleraient sur les détecteurs. Ce serait un bon stimulant pour attirer de meilleurs chercheurs. Plus généralement, j'aimerais favoriser un meilleur contact, une meilleure communication, entre disciplines scientifiques. Le monde scientifique est trop structuré, et il n'est pas facile de passer d'une communauté à une autre. J'en sais quelque chose, moi qui suis désormais à moitié physicien et à moitié biologiste."

"Inculquer, dès l'enfance, les méthodes de base du raisonnement scientifique est la seule chance de doter les générations futures des moyens d'un rapport dépassionné, raisonnable avec la science. C'est là un enjeu de civilisation", écrivait-il. "Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression de faire de la politique intéressante" : "tout cela doit peu à des directives ministérielles", mais "beaucoup au terrain" confessait-il encore en novembre 2006 au “Figaro”.

Il était aussi très fier d'une lettre écrite à Mikhaïl Gorbatchev en 1987, et dont des extraits furent publiés par le Nouvel Observateur. "Je lui conseillais de "trahir ses ennemis "en reculant ses chars vers l'est, et de spéculer en Bourse sur la baisse des actions des sociétés d'armement qu'aurait inévitablement provoquée ce retrait unilatéral. Il aurait pu, ensuite, vendre des tanks compressés par le sculpteur César pour remplacer les monuments aux morts dans chaque village français. C'est ainsi que je fais de la politique : comme un bouffon désespéré."
 
Le bouffon désespéré à l'origine de la Main à la pâte s'est éteint hier à Paris à l'honorable âge de 86 ans.

Comment désobéir en démocratie

Avec cette rentrée littéraire chargée, difficile de tout lire. Si j'ai commencé le dernier livre de Dominique Cardon (La démocratie internet), il va me falloir davantage de temps pour entreprendre Pourquoi désobéir en démocratie ? de Sandra Laugier et Albert Ogien.

Je trouve curieux que l'on reproche depuis hier à Martin Hirsch d'avoir transgressé la loi en publiant Pour en finir avec les conflits d’intérêt. Je ne l'ai pas encore lu non plus, mais ça m'a tout l'air d'être un livre utile au débat politique et le fait qu'il semble avoir anonymisé les cas dont il a eu connaissance lui empêchera tout problème. Sa posture de chevalier blanc pour mieux se faire une santé politique une fois son oeuvre achevée auprès de Sarkozy ne me surprend d'ailleurs pas.

Hier, le porte-parole du gouvernement Luc Chatel a déclaré quelque chose de curieux : «Quand on se veut chevalier blanc, il faut commencer par respecter la loi et ne pas divulguer des informations confidentielles auxquelles on a accès parce qu’on est membre d’une commission qui a été installée par le Parlement et qui vise à la transparence.»

Le brio de cette phrase qui réussit à associer la confidentialité à la transparence m'interpelle.  Le président du Sénat, Gérard Larcher, s’est, à son tour, interrogé : «J’ai adressé ma propre déclaration (à la commission) est-ce que c’est dans le domaine public ou dans le domaine privé ?» M'est avis que cela devrait être public. Comme c'est le cas pour les commissaires européens. Décidemment, la confusion règne en France.

Comment l'accord Chirac nuit à la démocratie


Une démocratie qui a soif de justice, de transparence et d'égalité vient de voter cette semaine une chose importante. Dans cette démocratie pour qui il n'y aucun homme au dessus de la loi, les élus ont voté hier pour traduire devant une cour spéciale leur ancien Premier ministre pour "négligence". Cela vient de se passer pas plus tard qu'hier en Islande. Et puis il y a Paris.

Quand Libération demandait le mois dernier au Maire de Paris s'il pouvait comprendre que l'accord avec Chirac puisse choquer les Français, sa réaction était celle-ci : «Faites-vous élire au suffrage universel et vous représenterez les français !», balançait-il furieux, avant de tourner les talons et de planter les micros des radios. Quelle dignité ! Quelle conception étroite de la démocratie, quelle vision étonnante de la justice !

Si Delanoé est persuadé que son acte est juste, alors qu'il organise un référendum local. Pourquoi un référendum ? Parce que c'est la seule technique qui relève vraiment de la démocratie participative. Lors d'un précédent débat, Delanoé m'affirmait qu'on ne pouvait pas faire mieux qu'à Paris en terme de démocratie participative grâce à ses comptes-rendus de mandat. Il n'a pas dû se rendre souvent à Berlin et ils en font davantage qu'ici en organisant régulièrement des référendums d'initiative populaire (on pourrait aussi citer Arcueil ou Bagnols pour leurs référendums consultatifs). C'est autre chose que le droit de pétition que je contribue à contrôler à la CPDP.

Un référendum local sur l'accord avec Chirac, Delanoé le gagnerait facilement... si les parisiens partagent sa conception curieuse de la morale, de l'éthique et de la justice. Mais rares sont ceux qui comprennent son sens de la justice en dehors de ses sous-fifres. D'ailleurs, c'est bien ça qui l'empêche d'avoir recours au référendum, qui repose sur une valeur essentielle et pourtant si loin de ses manières de faire : l'égalité de tous. L'égalité de tous devant la loi. L'égalité politique de tous pour décider du bien commun. Rien n'est plus clair, plus simple, plus logique.

Or le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec le comportement de diva avec Libération, on reconnaît bien là les puissants et leur arrogance. L'abolition des privilèges doit être assez loin dans son esprit. C'est d'ailleurs confirmé dans son bouquin tristement nommé De l'Audace :
"J'ai un respect pour la fonction présidentielle… […] J'ai dit à notre avocat Jean-Pierre Mignard : “Je ne veux pas que tu demandes l'audition de Jacques Chirac.” […] Je crois qu'il faut faire preuve de respect et d'élégance dans les rapports humains, même en politique. Je n'ai aucune envie que Jacques Chirac aille en prison."
Pour Delanoé, il y a donc des hommes qui doivent échapper aux auditions et à la prison du seul fait de leur fonction... Eh bien, c'est en "bonne" voie, Jacques Chirac va être relaxé grâce au maire de Paris. Mais est-ce à lui de décider de ce qui est juste ? Delanoé répète à qui veut l'entendre qu'il ne faut pas confondre justice et vengeance. Mais malheureusement ce que sa défintion de la justice n'est que de la complaisance. Tous les gens choqués ne veulent pas une vengeance, mais juste la justice. Une justice libre, c'est à dire une justice sans entrave. Et ceci a été rappelé par Arnaud Montebourg, par Ségolène Royal et par Eva Joly. Bientôt Delanoé nous dira que faire voter des morts, ce n'est pas très grave : après tout, si on n'est pas content, on n'a qu'à se faire élire au suffrage universel...

Pour conclure, quand on sait que l'ONG Transparency France a écrit dans son dernier rapport que "la France continue de véhiculer une image relativement dégradée de sa classe politique", quand on sait que la France n'est classée qu'au 24e rang mondial en ce qui concerne la lutte contre la corruption, quand on sait tout ça, la seule conclusion qui s'impose, c'est que cet accord avec Chirac est particulièrement minable.

Et tout ça pour quoi ? Parce que Delanoé est une autorité morale ? C'est peu crédible, il ne sortira pas grandi de cet épisode. Ou est-ce une autre raison ? Peut-être ce protocole serait l'arbre qui cache la forêt ? La politique, c'est plutôt ça, du donnant-donnant. Alors quelles sont les affaires qui vont rester sous le tapis grâce à cet accord ? La presse a cité le cas d'Eric Ferrand, d'autres ont souligné que le préfet venait d'enteriner une décision municipale pourtant entachée d'irrégularités sur les Halles.

Quel dommage que l'Islande soit si loin de Paris !





Jacques Chirac et les emplois fictifs
envoyé par reunionspubliques. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

jeudi 23 septembre 2010

Comment appréhender l'autre

Il est illusoire, lorsque l’on s’engage dans une carrière de mobilité qui amène à changer de pays tous les deux ou trois ans, ou lorsque l’on est amené à travailler dans des milieux très pluriculturels, de penser que l’on puisse connaître la culture de l’autre. Mais il est utile, dans ces situations, de prendre l’habitude de se poser un minimum de questions sur les représentations que chacun a de notions supposées communes – le temps, l’argent, la nature... – et sur les différentes manières de fonctionner des uns et des autres. Nos évidences ne sont pas forcément celles de l’autre, nos références et notre situation sociale non plus, nos formatages initiaux et notre éducation encore moins.
La grille proposée ici constitue l’un des documents d’appui utilisés notamment lors de séries de cours [par Michel Sauquet] lors de séminaires à Sciences Po (Master affaires internationales) et à l’Ecole Centrale de Paris (séminaire SH/E), ou lors de sessions de formation de formateurs d’ONG. Elle est donc plutôt destinée à de futurs cadres ou volontaires expatriés ou appelés à travailler dans leur pays en milieu pluriculturel. Avec ses 122 questions, elle voudrait les inciter, chaque fois qu’une action de coopération, une négociation commerciale, un débat scientifique ou technique présente des difficultés inattendues, à se demander : qu’est-ce qui a plu « clocher » ?
 

mardi 14 septembre 2010

Comment l'ADELS fait parler d'elle sur Internet

Depuis hier, je suis chargé de la politique de communication de l'ADELS. Vaste programme... Elle édite déjà une excellente revue, Territoires, qui gagnerait à être davantage connue et reconnue. Elle édite déjà des livres, avec notamment certains guides pratiques ou des livres théoriques.

Et puis il y a Internet. Elle est présente sur Facebook, elle a un site internet un peu vieillot et des blogs pour des besoins très précis (celui de la rédaction de Territoires, un blog pour chaque rencontre de la démocratie locale qu'elle organise régulièrement). Face aux faibles moyens mis sur la communication jusqu'à présent, il fallait réfléchir à l'e-réputation de l'association en même temps qu'on réfléchit à la refonte de son site internet. Qu'est-ce qu'on retrouve sur Internet sur elle ? Quelles sont les informations que l'on retrouve sur le web mais pas sur son site ? Les vidéos dans lesquelles on la cite ou on interroge certains de ses membres ?

Ce questionnement a donné lieu à la cartographie suivante :


Désormais à la suite de ce travail il y a plusieurs moyens de valoriser ces ressources :
  • en incluant sur le site internet de l'ADELS toutes les informations, vidéos,... dont l'association est à l'origine et qu'elle ne valorise pas encore. L'exemple-typique est cet entretien de Georges Gontcharoff sur la réforme des collectivités territoriales.
  • en animant une démarche de réseau pour promouvoir le site de l'ADELS et ses productions sur les sites qui parlaient déjà d'elle, l'ensemble du contenu du site va passer en Creative Commons pour la libérer du droit d'auteur trop restrictif
  • en continuant cette démarche en attirant de nouveaux contributeurs pour le site de l'ADELS pour témoigner des réalités de la démocratie locale en France
Ainsi en réalisant cet état des lieux, il y a de grandes chances pour que la cartographie des ressources sur le web permettent d'animer une stratégie collaborative qui sera gagnante-gagnante du point de vue éditorial. Rendez-vous dans un an pour faire le bilan !

vendredi 10 septembre 2010

Comment réévaluer la démocratie locale à Paris

A la suite du Printemps de la démocratie locale à Paris, je faisais un vœu pieux :
Une évaluation un tant soit peu rigoureuse demandera donc un minimum de moyens humains pour la mener à bien : il faut du temps et de l'énergie pour analyser tous les rapports des instances, mener des entretiens et des sondages, analyser des questionnaires.
La proposition a été plébiscitée puisque sur une cinquantaine de propositions, la question de l'évaluation a été classée dans le top 7 des préoccupations des participants. La dimension de l'évaluation a d'ailleurs été évoquée par la Commission Parisienne du Débat Public le 8 septembre avec une présentation que j'ai basée sur le billet écrit le 23 avril. Du coup, un groupe de travail va se former au sein de la CPDP pour proposer un référentiel. Comme il est important qu'on associe dans ce travail les instances et leurs participants (la méthode n'est pas fixée), je commence par publier ce travail sur ce blog. Une carte heuristique est visible entièrement ici et résume les propositions que je ferai à la CPDP.


jeudi 9 septembre 2010

Comment garantir le bon fonctionnement d'une concertation

Parfois les concertations publiques se déroulent mal. Saisie de cette question, la Commission Parisienne du Débat Public a réfléchi au profil d'une personne qui servirait de médiateur dans une concertation publique. "Le rôle et le profil du garant ici définis s’inscrivent dans la continuité des fonctions déjà  confiées  par  la  Ville  de Paris sur  de  grands  chantiers  municipaux  à  un  garant.  Ils  en précisent  le  sens  et  le  contour  en  tenant  compte  de  la  Charte  parisienne  de  la participation adoptée récemment" :

La concertation est placée sous la vigilance d’un garant qui, impliqué dans toutes les phases de la concertation, facilite le dialogue entre les acteurs et l’expression de tous les avis.

Il veille au respect des modalités et étapes du processus telles qu’elles sont énoncées dans la Charte Parisienne de la Participation et prévues dans le plan de concertation.

1. Garantir la participation du plus grand nombre

Le garant veille au respect des engagements pris dans la Charte Parisienne de la Participation en matière de recherche de la participation du plus grand nombre.

Il veille par conséquent à ce que la pluralité des citoyens, instances de démocratie participatives, associations de quartier ou associations spécialisées soit consultée.

En outre, il s’assure que l’expression des attentes des populations jeunes, de celles qui connaissent des difficultés sociales et de celles qui sont en situation de handicap, soit systématiquement recherchée selon des modalités adaptées.
 
(...)  L’enjeu métropolitain du projet sont également des objectifs constants de la concertation.

2. Veiller à la diffusion d’une information transparente et accessible pour le grand public

Le garant veille, en lien avec les autorités compétentes, à ce que chacun ait accès à une information complète,  pluraliste, transparente, et compréhensible de tous, notamment des non spécialistes, tout au long du processus participatif.

Il veille à la mise en ligne des informations dans des délais raisonnables sur le site dédié et au rôle de la Maison du Projet comme lieu d’accueil et d’information de qualité.

3. Garantir la prise en compte des avis exprimés et la restitution des décisions dans un esprit de construction commune

Le rôle du garant ne se confond pas avec celui de l’animateur, c’est pourquoi il n’est pas comptable de la bonne tenue de la réunion, de la circulation de la parole et de l’esprit de respect mutuel qui doit y présider.

Le garant valide les comptes-rendus de réunions. Il oriente les travaux à venir et les thèmes à aborder dans les concertations de l’année suivante. Il participe à la rédaction de bilans d’étape réguliers.

Il a en charge le bilan annuel de la concertation pour lequel il rédige un rapport. Il restitue aux élus et aux citoyens ses conclusions lors de l’Assemblée annuelle de la Concertation dont il est le Président de séance, avec cette fois autorité sur la tenue des débats.

Le garant ne prend pas parti sur le fond du dossier. Il conserve tout au long du processus une stricte neutralité.

En toute indépendance vis-à-vis des parties prenantes privées ou publiques, le garant peut à tout moment alerter les maîtres d’ouvrages sur un problème particulier concernant la concertation.

En cas de conflit, il a un rôle de médiateur.

Profil du garant

Le garant est une personnalité réceptive aux enjeux de logement, notamment pour les personnes défavorisées, et ayant une importante pratique du terrain dans le domaine associatif, de l’aménagement et/ou du développement territorial.

Il possède une expérience concrète de la concertation et du dialogue public. Il est doté d’un sens de l’intérêt général, d’une aptitude à la communication et à l’écoute.

Il doit répondre à une condition d’impartialité vis-à-vis de l’opération.

La nationalité française n’est pas requise, et il n’y a pas non plus d’exigence de résidence.
Remarque :

J'ai réussi à convaincre les autres de la nécessité de rajouter l'adjectif "pluraliste" pour définir le rapport du garant à l'information. Sans ça, cela donnait l'impression qu'il pouvait exister une information officielle, nécessairement juste et les autres ne sont que des opinions.

J'avais aussi proposé, sans succès, que le rapport annuel fasse figurer une synthèse des différents types de réclamations reçues par le garant, comme c'est le cas pour le Médiateur de la République.


Certains au sein de la Commission s'interrogeaient aussi sur les conditions concrètes d'exercice de cette fonction. On avait évoqué notamment le niveau d'indemnisation de ce poste (autour de 1500 euros pour un temps partiel, qu'on peut investir aussi comme un temps-plein). Cela pose des questions concrètes de motivation. Certains noms de personne pouvant être proposés comme garant posent ce problème très concret : comment estimer avant l'entrée en fonction du garant de son adéquation sans audition au préalable ? Comment auditionner une personne sans qu'on réfléchisse aux critères d'évaluation pour définir pourquoi telle ou telle personne remplira mieux le rôle ?

 

La CPDP n'a pas tranché ces questions pour le moment et je pousserai au maximum à ce qu'on réfléchisse à une véritable méthodologie en la matière. Roland Peylet, le président de la CPDP, hier soir semblait déterminé à ce qu'on joue pleinement ce rôle.

vendredi 3 septembre 2010

Comment le journalisme peut redonner du pouvoir à l'audience

Hier, Jay Rosen était à l’Ecole de Journalisme de SciencesPo à Paris où il a donné la leçon inaugurale montrant que démocratisation de la prise de parole et transfert de pouvoir des médias vers l’audience, loin de signifier « tous journalistes », favorisaient des formes plus riches d’exercice du métier. Eric Scherer nous en livre la substance en dix règles (ah... cette passion pour les chiffres ronds dans les présentations américaines...) :

1 – Transformez vos lecteurs, auditeurs, téléspectateurs en usagers.

Faites en sorte que le public utilise votre travail, les informations, analyses, images, sons etc. que vous produisez. Et surtout évitez de travailler pour vous adresser aux autres journalistes !

2 – N’oubliez jamais que le public en sait plus que vous.

Non seulement, dans son ensemble, il en sait bien plus que vous, mais il peut aussi s’adresser à vous et vous aider. Le New York Times l’a bien compris qui puise désormais dans les compétences de ses millions de lecteurs internautes. Un rubricard doit suivre 1.000 comptes Twitter sur son secteur pour s’aider dans sa couverture !

3 – Habituez-vous à la mutualisation du journalisme.

Traitez votre audience et le public en égaux. Entretenez une relation d’égalité et non de surplomb. Il y a davantage de photos publiées chaque jour sur Facebook que dans tous les journaux réunis.

4 – Facilitez la tâche à vos usagers dans la réutilisation de votre production.

Ouvrez vos outils. Aider les à participer. Nourrissez leur appétit d’informations.

5 – Rappelez-vous que si chacun est en mesure désormais de prendre la parole, tout le monde ne le fera pas.

Ils seront même très rares ! Le ratio est bien connu dans le monde du web où 90% des internautes sont passifs, 10% participent et 1% produisent eux-mêmes. Les gens ne veulent pas votre boulot ! Ils ne veulent pas devenir journaliste professionnel !

6- Sachez que le journaliste ne vit pas dans un monde à part. C’est juste un citoyen un peu mieux informé que les autres.

Ses compétences sont loin d’être sophistiquées et n’ont rien à voir avec celles d’un neurochirurgien ou d’un pilote de 747 !

7 – Gardez en tête que l’autorité du journaliste vient d’abord du service qu’il rend.

Celui de raconter le monde de manière originale : « je suis ici, vous n’y êtes pas, laissez-moi vous raconter et vous expliquer ce qui se passe ». Vous savez quelque chose que le public ne sait pas, vous avez un accès qu’il n’a pas, etc…

8 – Maintenez un savant équilibre entre ce que le public veut et ce qu’il ne sait pas qu’il veut.

Répondez à ce qui l’intéresse, mais trouvez aussi les informations qu’il ne sait pas encore qu’elles vont l’intéresser.

9 – Ne sur-jouez pas l’objectivité, mais dévoilez vos motivations et votre point de vue.

Evitez la posture du journaliste objectif pour chercher le respect. Elle ne convainc plus personne aujourd’hui ! Faites preuve de transparence dans votre travail et les gens vous feront confiance.

10 – Aidez les communautés d’intérêt à partager et à s’exprimer.

Les gens qui partagent une passion ou des centre d’intérêt ne sont plus isolés : ils peuvent désormais se parler, partager des informations et les publier. Vous pouvez les aider à créer des services d’informations. Et apprendre ainsi à créer de nouveaux revenus.

mardi 31 août 2010

Comment faire marcher les enquêtes en ligne

Sondage, enquête en ligne, de nombreux systèmes existent pour demander l'avis d'une partie de la population sur un sujet donné grâce à Internet. Dernièrement, cela a été le cas pour des enquêtes nationales autant que locales.

Internet est un moyen très pratique de faire participer des gens à un processus de consultation dans lequel ils n'auraient pas pris part. En effet, ce ne sont pas les mêmes personnes qui viendront à une réunion publique ou vont prendre du temps à remplir une enquête en ligne. Certes, on aura toujours le biais du diplôme qui marquera autant l'usage d'Internet et la venue dans les réunions publiques. Mais pour internet, l'âge moyen d'utilisation sera vraisemblablement plus jeune que les retraités qui squattent les réunions publiques. En touchant ainsi davantage la population active, c'est bien un autre public auquel on s'adresse. Reste le biais de la population qui n'est pas internaute (peu diplômée et plutôt âgée) : seul un dispositif complet et proactif, en allant voir toutes les couches sociales, permet de corriger ce défaut (ce que n'avait pas l'air de reconnaître Ifop cet été).

Très récemment, c'est le Parlement écossais des jeunes qui a lancé une grande consultation : 'Picture the Change'. Le site comprend une enquête en ligne destinée aux 14-25 ans vivant en Écosse... dont certains seront récompensés par un an d'achat de chaussures offert (c'est assez consumériste mais le sponsor n'apparaît pas trop sur le site). 

Je suis curieux de savoir le taux de réponse de ces questionnaires grâce à ce dispositif qui a été bien pensé. Un grand nombre de personnes ont déclaré "aimé" ça sur Facebook, mais je ne suis pas sûr que les 62 000 personnes (à ce jour) ont participé à l'enquête en cinq volets (crimes et quartiers, égalités, l'Écosse et le monde, les droits et la citoyenneté, l'apprentissage et le travail).

On pourra donc retenir pour qu'une enquête obtiendra un taux de réponse important les bons points suivants :
  • Bien relayée sur l'ensemble des réseaux sociaux, notamment ceux sur lesquels se trouve le public jeune
  • Le public est davantage incité à répondre aux enquêtes quand il y voit un avantage supplémentaire à celui de l'intérêt général (c'est malheureux...)
  • Internet, comme n'importe quelle méthode, n'est jamais autosuffisant : la présence de relais sur le territoire (dans des manifestations publiques,...) est efficace
  • Sur un public restreint (et dont on connait les coordonnées), des outils existent pour pister ceux qui ne seraient pas allés jusqu'au bout de l'enquête : il est alors possible de relancer les personnes automatiquement par courriel (sans savoir ce qu'aura répondu la question, le principe d'anonymat des réponses étant respecté)
 Mais à quoi sert le taux de réponse ?

Le taux de réponse apporte un éclairage important sur la pertinence de ces enquêtes.  Une bonne enquête dépassera 1% de réponses et cela peut paraître dérisoire et minimal :


Pourtant, pour être clair, une enquête en ligne ne sera pas plus représentative qu'une réunion publique. A ce titre, il est souvent fallacieux de donner des chiffres de "sondage" réalisés par exemple sur des journaux (Le Monde) ou des chaines de télévision (M6). La population qui regarde le support n'est pas représentative et la partie d'entre elle qui va faire l'effort de répondre en ligne l'est encore moins. Donc le taux de réponse est important, car habituellement il sera toujours plus important que le nombre de participants de n'importe quelle réunion publique, même si ce taux de réponse n'apporte aucun avantage en terme de représentativité (ni tirage au sort, ni méthode de quota).

Internet reste donc un outil parmi d'autres, mais il est encore peu utilisé pour une réelle participation des habitants à la décision publique, c'est-à-dire couplé avec un système de vote contraignant sur la décision. De plus, il est utile dans la phase d'élaboration d'impliquer là encore les habitants. En effet, il faut faire attention à la manière dont sont construits ces enquêtes comme n'importe quel sondage : les biais dans les questions peuvent être importants.

C'est donc à toutes les phases du processus que les habitants peuvent participer : élaboration, réponses, analyse, décision. C'est cette logique que je pousse à mettre en œuvre dans mon expérience de questionnaire dans un collège parisien,  qui est co-construit par les élèves délégués de leur classe.

mercredi 25 août 2010

Comment être sélectionné pour le trophée de l'e-démocratie ?

Connaissez-vous le Trophée français de l'e-Démocratie ? Cette année, vous pouvez participer au vote jusqu’au 12 septembre 2010 pour désigner la solution la plus innovante et réussie des services sélectionnés parmi lesquels Paris. Or son service d'e-petition fait un bide et n'est pas prêt d'aboutir aux 50 000 signatures nécessaires pour que la pétition arrive à l'ordre du jour du Conseil de Paris. L'ergonomie du site n'aide pas en outre.

Parmi les neuf autres projets présélectionnés, on trouve :
Votez et désignez le maillon fort ! J'ai voté pour Rennes et son choix des données ouvertes !

Chaque collectivité territoriale dispose d’un grand nombre d’informations complexes pour le simple citoyen. Depuis quelques années, de nouveaux usages au delà de leur utilisation en interne ont fait leur apparition. Certaines données publiques sont partagées pour permettre l’accès aux données et leur réutilisation par les usagers. Ainsi certaines villes décident de mettre à disposition les données cartographiques ou leurs annuaires en ligne. Ces données d’utilité publique sont alors disponibles pour la création de nouveaux services et usages.

C'est le cas de Rennes, où la métropole, la ville et l’exploitant du réseau de transports ont annoncé en début d’année que leurs données publiques seraient désormais accessibles et exploitables via leur API. Ainsi une dizaine d’applications pour des téléphones ont déjà été développées par des utilisateurs ou des entreprises pour proposer de services innovants. Ces nouveaux services de la vie quotidienne répondent aux attentes des utilisateurs, comme par exemple sur l’heure du prochain bus ou encore connaître la station de vélo la plus proche grâce à un simple téléphone. Parmi ces applications, on trouve notamment Roue Libre, l'appli que JCDecaux avait voulu interdire pour les Velib de Paris... Parce qu'elle utilisait sa base de données qui n'est ni ouverte, ni utilisable. Rennes  désormais s’apprête à lancer un concours pour favoriser le développement d’applications autour de ces données. C'est ça l'innovation !

lundi 23 août 2010

Comment retrouver son compte Facebook désactivé

Le Monde publiait la semaine dernière un article intéressant sur Facebook. En fait, mon jugement est purement égocentrique, puisque le témoignage de Mahor Chiche sur son compte désactivé est paru le même jour que ma propre désactivation. Après de multiples doutes, j'ai succombé à la pression sociale en juin dernier et créé un profil sur le célèbre réseau social aux 500 millions d'utilisateurs, soit le 3e pays numérique ! Un pays ou presque... Car la citoyenneté sur Facebook a encore des progrès à faire.

Difficile de se faire entendre comme utilisateur de Facebook pour la reconnaissance de ses préoccupations par l'entreprise. En témoignent ainsi les récentes controverses autour de la protection par défaut minimaliste de la vie privée ou autour du droit d'auteur : à qui appartient la photo publiée par un utilisateur ? Son auteur ou Facebook ? Désormais une autre controverse pourrait éclater avec la désactivation des comptes, comme d'autres l'ont déjà souligné.

Du jour au lendemain, on peut retrouver sa page d'accueil qui affiche un message sybillin :
Votre compte a été désactivé. Si vous avez des questions ou des interrogations, vous pouvez visiter notre Foire aux Questions.

Et c'est le drame. Comme Facebook ne permet ni la sauvegarde, ni l'export, on perd tout : sa liste d'amis (dont parfois le seul lien avec certains était devenu Facebook), les photos auxquelles on avait été associé, ses messages privés, ses évènements. C'est ce que signale Tristan Nitot (Mozilla France) :
Facebook peut être monstrueux. Des gens se font virer de Facebook, c’est-à-dire qu’ils perdent leur graph social, leur équivalent d’e-mail, leurs documents, tout. Et sans justice. Récemment au Maroc, un type a fait un groupe pour que, dans leurs cours, les professeurs de science respectent la laïcité. Des gens lui sont tombés dessus, et le groupe a été viré, le compte du fondateur supprimé. Il n’y a pas de vrai justice ! Pas un jury qui décide si c’est vrai ou faux. Juste un gars aux États-Unis ou en Inde qui fait «oula, il y a eu beaucoup de signalements pour ce truc là. Je supprime».
On disparaît ensuite aux yeux de ses contacts : impossible de nous retrouver, on semble ne jamais avoir existé car toutes nos traces, tous nos commentaires disparaissent ensuite. On ressent davantage cette vulnérabilité quand on perd tout sans aucune précaution, sans aucun avertissement préalable. Pour Mahor Chiche, on peine à deviner les motifs de sa désactivation :
Trop de pokes (taquineries) et de demandes d'amis, trop d'articles mis en ligne, peut-être
Non ce n'est pas un motif possible prévu par la Déclaration des droits et responsabilités. Pour ma part, j'ai enfreint cette règle sciemment, sans savoir que la sentence deux mois plus tard allait être irrévocable. Facebook n'autorise pas l'usage d'un nom d'emprunt. En effet, pour revendre des données personnelles au meilleur prix, il est essentiel de connaître l'identité réelle des gens. Beaucoup jouent le jeu. Pour les besoins d'un pari, j'avais utilisé un pseudonyme qui faisait allusion à un personnage politique français associé à la pratique de la torture en Algérie. Je poussais même le vice à dire dans ma biographie que j'avais passé mes meilleures années à la Villa Sesini.

Ce pseudonyme était pratique pour débattre. Je me suis certainement fait remarquer en appelant un peu partout à signer l'appel citoyen organisé par la Ligue des Droits de l'Homme qui refuse la politique du pilori initié par les récentes déclarations au sommet de l'Etat. Que mon profil surenchère aussi sur les propos sarkozystes sur la page des amis de l'action de Nicolas Sarkozy ne manquait pas d'ironie...

Me voilà banni sans précaution alors qu'on aurait pu simplement me demander de. Faut-il se réinscrire quand d'autres décident d'arrêter ? Cette expérience m'a confirmé que Facebook était chronophage, utile pour les invitations, fermé technologiquement, utile pour le partage de vidéos et la fonction de commentaires, sans aucune garantie pour la protection des données personnelles. Si j'étais une association et que je faisais la promotion des formats ouverts, je serais hésitant pour utiliser ce mode de communication. Ce n'est pas la constitution d'un réseau de pression des utilisateurs de Facebook qui va changer la donne (sauf à aller manifester dans le comté de Santa Clara en Californie).

La fréquentation croissante de Facebook va de pair avec l'intérêt des entreprises, des collectivités et des organisations. Comme naguère pour les navigateurs avec la bataille entre Netscape et Internet Explorer, c'est le devoir de ces organisations de préparer la transition et de sensibiliser à d'autres réseaux sociaux ouverts, décentralisés et protecteurs de la vie privée. qui que l'on doit accepter unilatéralement sans avoir le poids suffisant pour peser dans les futures modifications. L'alternative se prépare et exister à l'automne avec Diaspora.