De la complexité de l'idée de progrès, de sa richesse, la comptabilité ne retient qu'une dimension : celle qui est susceptible d'être quantifiée, celle dont on pourra mesurer la progression. Le progrès, c'est la progression d'un taux. Une telle assimilation du progrès au taux de croissance du PIB signifie de surcroît que l'on tient pour prouvé que dans nos sociétés les progrès de toutes sortes suivent automatiquement celui des richesses comptables : si nous avons la croissance, alors le reste suivra.
Extrait de : Dominique Méda, Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse, Flammarion, 2008, p.156.
Ce quasi-consensus me rappelle l'incompréhension d'un ouvrier dans un reportage que j'ai vu il y a quelques temps sur la décroissance : "encore faudrait-il qu'on puisse déjà y participer à la consommation !" Peut-être un peu briefé par le syndicaliste qui l'accompagne, la société de consommation semble être un idéal pour tous.
Cette problématique de la définition de la consommation devrait interpeller ces temps-ci : quel que soit ce qu'on pense de la taxe carbone et des efforts à produire collectivement (tant les individus que les gros pollueurs), il y aura bien des changements à apporter à notre mode de consommation. C'est peut-être le plus dur. C'est certainement difficile à imaginer pour ceux qui sont exclus dans l'organisation générale de la "société de consommation" (résumée par les décroissants comme système de surconsommation inégalitaire et peu convivial).
Rien que l'évolution de l'évaluation de notre progrès (social et environnemental), ce sera un premier pas à faire pour changer notre cadre de perception. Et ce pas n'a pas de sens si elle n'est pas le fruit d'un travail collectif et consensuel. Jean Gadrey s'est largement exprimé là-dessus autour de la commission présidée par Sen & Stiglitz : il faudrait pour cela une grande concertation autour de nos conceptions du bonheur, du bien-être ou du progrès. Il n'y a pas forcément de modèle pour cette concertation : comme débats de grande ampleur, les Français ont connu ceux récurrents sur l'école qui ont fini par lasser par manque d'impact ou de visibilité.
Enfin, si débat il devait y avoir, il faut tenir compte de l'échelle européenne puisque le PIB est essentiel comme indicateur européen : "le déficit budgétaire ne doit pas dépasser les 3% du PIB". Le gouvernement Fillon voulait ne plus compter dans le PIB les investissements dans le secteur de la recherche, ou des "industries vertes", mais ça n'a pas été accepté par le Conseil Européen. Il faudra donc de toute manière élaborer ces nouveaux indicateurs de richesse avec l'ensemble des pays de l'UE. Un jour ou l'autre.
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