Intéressons-nous aux phrases-clés de cette charte de la participation (conservées en gras). On pourra aussi comparer cette charte avec les préconisations de la Ligue des Droits de l'Homme.
1. La démocratie participative est une aide à la prise de décision publique. Loin de concurrencer la démocratie représentative, elle en est complémentaire. Elle est une ambition partagée par les Parisiens, leurs élus et les agents de la Ville.
La participation des citoyens est au cœur même de l'idée de démocratie. Une démocratie non-participative, ce n'est pas vraiment une démocratie fondée sur la souveraineté populaire. Comme le disait le wiki : des citoyens attachés aux valeurs démocratiques, conscients de leurs responsabilités civiques et qui s'engagent dans la vie politique sont la force vive de tout système démocratique. La prise de décision publique, sans participation, n'est pas une décision « publique », mais le fruit de l'action de quelques uns seulement.
2. Tous les Parisiens sont invités à s'impliquer dans la vie participative.
Merci de le dire, personne n'y aurait pas pensé sans la Charte... La suite du texte reste aussi vague : ce qui est dit est non-évaluable. Il est question d'un plus grand usage de l'informatique, du recours à des « formes d’expression non-écrites » et le « choix d’horaires de réunion adaptés à la diversité des modes de vie des Parisiens ». Si les personnes en situation de handicap sont citées, aucune autre forme de frein à la participation n'est évoquée contrairement au wiki.
3. Chaque Parisien a la garantie de pouvoir aborder dans le cadre des processus participatifs toute question de son choix, dans le respect des règles démocratiques.
Qu'est-ce que le respect des règles démocratiques quand aucun élu de la Ville de Paris ne veut du référendum local ? Hamou Bouakkaz a confirmé le 2 décembre au compte-rendu de mandat de Bertrand Delanoé que ce n'était pas au programme. C'est d'autant plus étonnant que la Charte votée évoque les outils collaboratifs pour favoriser « l'expression citoyenne directe ». L'expression directe oui, la démocratie directe non. Enfin, l'expression directe reste à nuancer, puisque la Ville de Paris ne reconnaît pas aux instances participatives le droit d'organiser des débats, notamment en période électorale. Le wiki proposait : le caractère non-partisan de ces débats est garanti par le fait que l'ensemble des candidats sont invités à y participer.
4. La Ville anime la démocratie locale parisienne et la fait vivre par la mise à disposition de moyens humains, logistiques et financiers.
Ici la Charte développe ensuite ce que la Ville fait déjà sans aucune nouveauté. Le wiki rajoutait que la « stabilité de ces personnels doit être assurée au mieux afin que les instances puissent travailler dans la continuité. » Le moins qu'on puisse dire, c'est que les conditions de travail sont si déplorables qu'on constate que les contractuels ne restent pas longtemps en place.
5. Tous les Grands projets municipaux font l’objet d’une concertation publique.
Qu'est-ce qu'un Grand projet municipal ? Qui le décide ? C'est une bonne question dont on peut deviner la réponse avec la dernière expérience de la vidéosurveillance à Paris. Le fait qu'une majorité des conseils de quartier ait voté contre ce projet n'a pas été considéré comme suffisant pour déclencher une concertation. Bertrand Delanoé l'a rappelé le 2 décembre : le débat a eu lieu selon lui avec les élections municipales et il a été tranché par le résultat des urnes. Exit la démocratie participative sur ce que le Maire ne déclare pas un de ses Grands projets.
6. La démocratie participative se déroule dans le respect mutuel et dans un esprit de construction commune entre l’ensemble des acteurs. Les avis exprimés sont consignés et la Ville rend compte de leur devenir.
Les règles du dialogue sont ici explicitées : les habitants ont des avis ou des demandes et ce sont les élus qui répondent. Seules les réunions publiques feraient l’objet de comptes-rendus accessibles sur Internet, toutes les autres modalités de participation semblent oubliées. Cela sera difficile de voir comment les différents avis seront suivis d'effet.
L'exemple de l'écriture de cette Charte est parlant : dans un premier temps a eu lieu un questionnaire dont les résultats n'ont pas été connus des Parisiens et n'ont pas été publiés par la suite. Dans un deuxième temps, une synthèse de ce que veulent les Parisiens a ensuite été présentée en avril, écrite on ne sait trop comment. Dans un troisième temps, des amendements à la synthèse ont été proposés en réunion publique puis sur Internet grâce au wiki. Les amendements proposés en réunion publique n'ont pas été publiés sur Internet, ce sont des gens de la Ligue des Droits de l'Homme qui les ont intégrés dans le wiki. Enfin, les différences entre le texte voté et le wiki n'ont pas été discutées publiquement. C'est donc à quatre moments différents que s'est posé le problème de la transparence et de la « traçabilité » des propositions pour écrire ce texte : comment la Charte pourrait-elle garantir quoi que ce soit ?
7. La Ville s'engage à ce que chaque citoyen dispose d’une information précise et accessible.
La Charte limite cette information aux « documents relatifs à un processus participatif ». Rien n'est dit sur les documents portant précisément sur les sujets dont la municipalité n'attend aucune implication des citoyens. Parmi ces informations est oubliée l'information non-officielle comme ce qui peut se faire au Canada avec la publication des avis que les gens envoient. Difficile pour les instances participatives ou les associations d'offrir des informations alternatives, cela se limite encore à la distribution de tracts en réunion. La Ville ne s'engage pas à favoriser le débat public en continuant d'exercer le monopole de la communication.
8. Les modalités et étapes de tout processus participatif sont énoncées très en amont.
La concertation a pour objet de construire ensemble, au fil des débats, les solutions qui recueillent l’adhésion la plus large pour aboutir au projet qui réponde au mieux à l’intérêt général et à la solidarité.
Rien n'est dit sur ce qu'est qu'une concertation, ni sur la traçabilité des avis. La participation des parisiens à la décision n'est pas explicitée. Comment la Ville répond à un avis ? Une réponse privée ou publique ? Dans quel délai ? Le wiki proposait une réponse publique dans un délai raisonnable d'un mois. La publication au moins d'une Foire Aux Questions est techniquement facile à mettre en œuvre.
9. La Ville s'engage à favoriser et mettre en œuvre des actions de formation et sensibilisation à la vie citoyenne et démocratique.
Ce point reprend globalement ce qui s'est dit lors des débats. Cela n'a jamais constitué le cœur du problème : la formation est jugée d'autant plus nécessaire qu'elle semble un frein à la participation. On peut aussi admettre que ceux qui ne se sentent pas compétents se sentent si éloignées de la Mairie de Paris qu'ils n'iront pas spontanément à ces formations. Mais est-ce que le seul motif à la non-participation ? Si certains ne participent jamais, certains ont participé et ne veulent plus participer. Pour quelles raisons ? Cela nécessite donc une évaluation sérieuse.
10. Les processus participatifs font l'objet d'une évaluation, de même que l'application de la présente Charte.
Ce sera essentiellement la Commission Parisienne du Débat public qui sera chargée de l'évaluation avec un rapport annuel. Avec quels moyens ? Ce n'est pas précisé. Une évaluation rigoureuse ne pourra se faire qu'avec l'ensemble des instances participatives. Le wiki proposait une « co-évaluation du fonctionnement des instances et des concertations en cours » par ses participants. J'espère qu'à l'issue de chaque réunion participative il y aura un questionnaire avec des questions du type : « êtes vous satisfait de cette réunion ? Avez-vous pu prendre la parole ? Avez-vous des choses que vous voudriez dire et que vous n'avez pas dites ? Que proposeriez-vous pour améliorer cette concertation ? »
Quels points publiés sur le wiki ont été délibérément oubliés dans le document final :
- Répété plusieurs fois : les instances participatives ne doivent pas être présidées par des élus
- l'accès pour les citoyens aux documents de travail
- la possibilité des instances d'organiser des débats avec des candidats à une élection (notamment municipale)
- la création de tribune dans les journaux municipaux
- la concertation doit être engagée le plus en amont possible de la décision, dès les études préalables et bien avant une éventuelle enquête publique
- la possibilité d'organiser un référendum
- avoir un site web vraiment actualisé pour les instances
- la Ville de Paris s’engage à organiser la participation en amont des projets et à faire acte de transparence tout au long du processus de réalisation du projet
- définir des critères d'évaluation sur la démocratie participative : quels sont les moyens financiers et humains dévoués à la participation du public ? Quels sont les impacts des avis sur l'orientation des actions de la Ville ? Qui sont les citoyens qui prennent part à la vie de la Cité ?
- des bilans périodiques de la concertation sont effectués en commun par les élus, l'administration et les associations, afin de mettre en valeur les apports de la concertation et à inciter ainsi les Parisiens à participer davantage.
- le renforcement de l'autonomie des CICA : ils définiront librement leur ordre du jour et pourront se doter d'un bureau d'animation et d'un local de travail au sein de la mairie d'arrondissement. Ainsi, ces instances pourront aisément se poser comme partenaires des autres instances de démocratie locale
- la Commission parisienne du débat public pourra également être saisie à tout moment par toute instance (association, conseil de quartier,..) en cas de contestation des procédures engagées. Elle se prononcera sur la pertinence de la contestation et devra motiver son avis
- sera créé dans chaque quartier un lieu d'information et de conseil sur la vie démocratique et sur les projets de la municipalité ouvert gratuitement aux habitants et aux associations
- l'utilisation pour les instances de l’ensemble des canaux de diffusion existants et d’en développer de nouveaux : panneaux d’affichage, accueils des mairies et autres équipements de proximité, stands sur les marchés, sites Internet des arrondissements, médias locaux, etc.
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