Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.

vendredi 23 avril 2010

Comment évaluer la Charte parisienne de la participation

Un atelier du Printemps de la démocratie locale au début du mois d'avril est venu préciser les intérêts d'évaluer l'état de la démocratie locale à Paris dans le but d'améliorer les dispositifs et la qualité de la participation. L'évaluation est une des clés de la Charte Parisienne de la participation dont j'avais déjà critiqué l'absence de substance. L'édition 2010 du Printemps de la démocratie locale était pensée pour remédier à ça. 

L'absence des jeunes dans ce Printemps de la démocratie locale était encore flagrante : certes, des jeunes étaient à la tribune, mais la moyenne d'âge était bien élevée. Un jour, peut-être, le Printemps de la démocratie locale aura son atelier sur l'engagement des jeunes : on pourra analyser toutes les raisons qui font que les associations sont beaucoup plus attrayantes que les conseils de la jeunesse.

L'atelier a en fait porter sur d'autres évaluations. Avant tout, certains ont préconisé que cette charte "soit systématiquement remise aux gens qui viennent travailler dans les conseils de quartier" avec une réunion de présentation et d'explication de la charte "parce qu'elle n'est pas toujours bien comprise" par les gens qui participent aux Conseils de quartier. Un autre participant précise qu'il faudrait diffuser cette charte au-delà du bureau d'animation des conseils de quartier, c'est-à-dire durant les plénières.

Je suis revenu quant à moi sur les critères d'évaluation en me focalisant sur certains sur lesquels nous avions déjà travaillé avec la Ligue des Droits de l'Homme :

Renforcer l'évaluation des démarches participatives en vue de leur amélioration
  • Mener les évaluations en concertation avec les instances participatives.
  • Tous les partenaires consacrent à l’évaluation une partie de leur rapport annuel d'activités.
  • Définir des critères d’évaluation à la fois quantitatifs et qualitatifs : moyens financiers et humains (quel budget consacré à la démocratie participative), impact sur l'orientation des actions de la Ville, qualité de l'engagement citoyen (diversité du public impliqué)…
J'ai parlé durant cet atelier très lentement pour être certain que ce que j'allais être dit serait correctement retranscrit en direct à l'écran. J'ai déjà eu l'occasion d'être assez déçu par la manière dont mes propos avaient été reliftés l'an dernier (la proposition sur le réferendum disparue du compte-rendu) : cette année j'ai tenté d'être vigilant sur ce point.  Cela n'a pas empêché que le résumé des propositions de l'atelier ne soit pas validé collectivement et d'ailleurs n'était pas tout à fait représentatif : je n'y vois aucun complot, mais le simple manque de temps pour cette étape essentielle. Les points que j'ai abordés ne sont pas révolutionnaires et ont fait cette année consensus, comme l'a noté Roland Peylet, le président de la Commission Parisienne du Débat Public (CPDP).

Les gens partent souvent et souvent pour de bonnes raisons : il faudrait donc enfin s'intéresser à ces déçus et aux causes du turn-over pour améliorer l'organisation et la crédibilité de la démocratie locale parisienne. En réussissant à fidéliser les gens qui viennent, l'impact des instances serait forcément accru. Un participant au cours du débat a complété cette proposition en demandant à ce qu'on s'intéresse un peu aux raisons pour lesquelles les gens viennent dans les instances, notamment selon leur mode de désignation (parfois tirage au sort, parfois désignés sur des listes de la mairie venant de la sphère associative ou celles des partis politiques,...)

Le deuxième sujet avait été repris : est-ce que l'investissement dans les instances a vraiment un impact ? Comment on peut l'évaluer ? Comment on peut le valoriser ? Jean-Pierre Worms a  aussi eu l'occasion de le signaler au cours de nos réunions de la CPDP. M'est avis évidemment que l'impact est faible et que c'est pour ça que les gens partent facilement : comme le disait un participant "on a l'impression que tout est décidé d'avance". Les informations remontent mais redescendent peu. Le participant s'interrogeait donc sur la place des élus dans ces processus participatifs.

La composition sociologique des instances "participatives" demande aussi à être étudiée : elle ressemble nettement à celle du Conseil de Paris, qui ne brille guère par la diversité des âges et des origines sociales. Le Conseil de la Jeunesse est du point de vue de la diversité sociale un peu exceptionnel, mais c'est certainement parce que les réunions ont lieu dans les antennes jeunes qui brassent un public populaire.

Une participante est revenue sur le fait que les critères d'évaluation devaient être qualitatifs et quantitatifs. D'autre part, certains critères devraient être décidés pour l'ensemble des arrondissements tandis que d'autres seraient négociés et adaptés au contexte de chaque arrondissement. C'est clair que sans base commune, chaque arrondissement fera ce qu'il souhaite et des arrondissements comme le 18e et le 15e se démarqueront par leur absence d'ambition comme à leur habitude.

Relancé par l'animateur du débat, Richard Bouigue, les participants sont revenus sur le fait que les critères doivent être décidés avec les instances et leurs participants. Ils ne doivent pas être imposés par des maires. Richard Bouigue a tenu aussi à ce que nous n'oublions pas que l'évaluation valorise l'action des conseils de quartier. Une participante plus tard dans la réunion demandera un panorama de ce tout ce qui a été entrepris dans ces instances pour mieux faire connaître l'étendue de leurs actions.

Un autre participant est revenu sur le fait qu'on devrait évaluer l'information des parisiens et leur degré de connaissance sur ces dispositifs. Une habitante du 15e revient sur cette question en demandant un sondage. On peut supposer que ses résultats seraient a priori décourageants. Un autre confirme ce sentiment : "ce sont toujours les mêmes qu'on retrouve dans les conseils de quartier, dans les assos, qui s'intéressent aux choses : on a un vrai travail de proximité à faire dans les immeubles et on ne va pas assez chercher les volontaires, on devrait retrouver les bonnes vieilles méthodes du porte-à-porte". Il a proposé de délocaliser les réunions dans les lieux fréquentés pour qu'on s'intéresse vraiment à ce qui intéressent les gens.

Un participant du 13e arrondissement proposait que chaque année une réunion soit faite dans tous les arrondissements où chaque clé de la charte donnerait lieu à son évaluation : "est-ce que les dix points sont atteints ou non atteints et on liste chaque point". Cela nécessiterait une forme de référendum où tous les habitants pourraient voter une fois la Charte de la Participation diffusée chez tous les Parisiens. Il est aussi revenu sur certains spécificités des quartiers : quels sont les conseils de quartier qui ont réussi à faire remonter des voeux au niveau du conseil d'arrondissement ? Combien de voeux ? Pour quel impact ? Un autre critère serait la vitalité des journaux de quartier qui a suivi des évolutions différentes selon les arrondissements.

"Le problème, disait un autre, c'est que ça fait dix ans qu'on répète les mêmes choses et que ça ne marche toujours pas sur des roulettes : une charte avait été faite durant l'ancienne mandature et elle n'a pas été appliquée, l'an dernier il y a une nouvelle charte qui n'est toujours pas appliquée... On radote ! On y croit plus, c'est trop tard !" pour conclure sur son amertume : "c'est dommage, on l'aimait Delanoé quand il est arrivé..."

Une évaluation un tant soit peu rigoureuse demandera donc un minimum de moyens humains pour la mener à bien : il faut du temps et de l'énergie pour analyser tous les rapports des instances, mener des entretiens et des sondages, analyser des questionnaires. Vous pouvez d'ailleurs voter pour ce voeu pieux sur le site de la Mairie de Paris.

Mise à jour du 10 septembre : La proposition a été plébiscitée puisque sur une cinquantaine de propositions, la question de l'évaluation a été classée dans le top 7 des préoccupations des participants. La dimension de l'évaluation a d'ailleurs été évoquée par la CPDP le 8 septembre. Un compte-rendu basé sur ce billet a été fait et un travail est en cours que vous pourrez suivre ici.

jeudi 22 avril 2010

Comment les Etats Généraux du renouveau s'organisent

Réactualisation : Suite à cette première édition, j'ai publié un compte-rendu de l'atelier animé par l'ADELS sur ce blog. La prochaine édition des États Généraux aura lieu en janvier 2011.

Pour la première fois, le Nouvel Observateur et Libération, deux titres aussi différents par leur histoire que proches par leurs engagements, s'associent pour repenser le progrès social. Ce débat sera celui de la société : les deux journaux ont décidé de s'associer pour que chacun puisse s'en emparer et contribuer à la réflexion à travers des États Généraux du Renouveau.

Soixante-dix associations sont dorénavant dans la boucle dont l'ADELS et la LDH. Le site a été lancé, mais n'est pas encore ouvert au grand public. Il le sera le 15 mai et relaiera les différents chantiers, permettant la discussion, promouvant les actions de ceux qui voudront prolonger au-delà des mots. La perspective d'une rencontre physique à Grenoble les 18, 19 et 20 juin a permis à chacun de rentrer plus concrètement dans le projet. La réunion a été presque exclusivement consacrée à des questions d'organisation. Le diable du renouveau est dans les détails.


Les Etats généraux du renouveau
envoyé par partenariatslibe. - L'info internationale vidéo.

Je me demande à quel point l'organisation de cette campagne est liée avec ce que préconisaient Aurélie Filipetti et Gaétan Force à la suite de la défaite du Parti Socialiste aux élections européennes : les rencontres de Grenoble adviennent presque un an jour pour jour.

mercredi 21 avril 2010

Comment des textes ont changé l'histoire des droits fondamentaux

Anna Tims qui écrit une chronique historique dans le Guardian cite dans un article dix grands textes politiques qui ont défini le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui.

Magna Carta

Cette charte limite l'arbitraire royal et établit en droit l'habeas corpus qui empêche, entre autres, l'emprisonnement arbitraire. Elle a été signée par un Jean d'Angleterre réticent en 1215. C'est l'établissement de la suprématie de la loi sur la volonté du roi avec la création de ce qui deviendra un parlement.

La Déclaration Universelle des Droits de l'homme

C'est à la suite de la deuxième guerre mondiale que ce texte a été adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies. Ce texte n'a aucune valeur contraignante et sera complété par d'autres conventions. Cette Déclaration fait partie intégrante de la charte des Nations Unies. En représentant la FIDH dans une simulation de l'ONU ces jours-ci, j'ai appris que la fédération, qui comprend la LDH, proposait dès 1927 une « Déclaration mondiale des droits de l’Homme » et une Cour criminelle internationale.

Slavery Abolition Act 1833


La Grande-Bretagne a aboli l'esclavage en 1833 dans tout l'empire britannique. Le gouvernement a dû en revanche compenser les propriétaires de plantations. Ce n'est que quinze ans plus tard que la France décidera de la fin

Déclaration d'Independence des États-Unis


C'est en 1776 que le Congrès proclama : "Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur". La Déclaration garantie le droit à l'insurrection.

Rights of Man


Les Droits de l'homme, écrit par Thomas Paine en 1791, revendique que la révolution populaire politique est légitime lorsqu'un gouvernement ne protège pas son peuple, ses droits naturels et ses intérêts nationaux. C'est à la suite de ce texte que Paine a été condamné à la pendaison.

Le rapport Beveridge

Une commission publia en 1942 en pleine guerre ce livre blanc qui reconnait cinq maux pour la Grande-Bretagne : la misère, l'ignorance, la maladie, le besoin et l'oisiveté. C'est à la suite de ce texte que le service de santé national, la sécurité sociale, la retraite et les impôts redistributifs.

Le Manifeste du Parti Communiste

« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » etc.

Le Cylindre de Cyrus


Ce texte qui date de 539 avant notre ère est considéré par Shirin Ebadi comme "un des documents les plus importants qui devraient être étudiés dans l'histoire des droits fondamentaux" : il détaille les mesures prises par Cyrus pour les Babyloniens. Le roi de Babylone règne pacifiquement, délivre certaines personnes de corvées injustes. Il octroie aux gens des pays déportés le droit de retour dans leur pays d'origine, et laisse les statues de divinités autrefois emmenées à Babylone revenir dans leurs sanctuaires d'origine. Il proclame la liberté totale de culte dans son empire.

dimanche 4 avril 2010

Comment encourager l'égalité des chances chez les jeunes européens

Dans son travail, le Forum européen de la Jeunesse regroupe différentes organisations de jeunesse d'Europe. L'an passé, il a lancé un processus qui vise l’adoption d’une Convention européenne sur les Droits des Jeunes dans le cadre du Conseil de l'Europe.

La question de la reconnaissance légale des droits des jeunes a repris son souffle lorsque l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté une motion demandant un rapport sur les éventuels bénéfices d’une convention européenne sur les droits des jeunes. Suite à cela, le Forum européen de la Jeunesse a décidé de lancer un rapport et d’enquêter sur la situation des droits des jeunes en Europe. Et ce rapport a été publié cette semaine.

Le FEJ plaide pour une convention qui garantirait des droits spécifiques aux jeunes, notamment aux étudiants : la participation, le droit à un emploi décent et à la protection sociale, la liberté d’expression, la justice des jeunes majeurs et la détention, la non-discrimination et l’égalité des chances, la mobilité et le transport, la santé sexuelle et reproductrice, la religion et l’objection de conscience, et la sensibilisation aux droits des jeunes.

Cette convention n'aura pas le même impact partout le jour où elle serait signée par les Etats-membres, car les enjeux ne sont pas les mêmes selon les pays : la promotion de la santé en Pologne ou en Suède n'atteint pas le même degré d'efficacité, la place des religieux dans les cours d'éducation à la sexualité n'est pas la même, ce qui n'est pas sans impact sur le contenu des cours.

La notion même d'égalité des chances demande à être affinée dans le contexte de l'éducation. On pense notamment à l'égalité d'accès au système éducatif : le fait qu'on puisse rentrer dans une université ou devenir apprenti sans discrimination basée sur des motifs interdits (origines,...). En aval de l'accès, il faudra penser aussi à la motivation des élèves, leur ambition et des facteurs jouent ici sans qu'il soit question au sens légal de discrimination : l'attitude des professeurs par exemple.

L'impact des enseignants dans l'égalité des chances des élèves

Dans une expérience à laquelle je participe dans le 18e arrondissement de Paris, on implique les élèves dans l'évaluation de la qualité de vie de leur établissement. Sur le climat scolaire, on note le sentiment d'injustice des élèves vis-à-vis de leurs professeurs. Ce sentiment peut être compris de plusieurs manières. Dans un premier temps, l'explication la plus simple était qu'on ne punit jamais les élèves de la même manière pour un même acte. Effectivement, pour un élève qui cumule des difficultés familiales, il ne sera pas puni de la même manière qu'un élève dans une période normale. Vendredi, une deuxième explication était donnée par une élève de 5e : elle voudrait que les professeurs soient attentifs à "ne pas punir toujours les mêmes et à interroger toujours les mêmes".

Aujourd'hui, je lis un article dans le Guardian qui apporte un autre éclairage sur cette deuxième hypothèse : un rapport écrit par des chercheurs en économie de Brixton, fait le point sur les résultats aux évaluations nationales. L'étude conclut que les élèves noirs ont de bien meilleurs résultats lors des évaluations nationales que dans les évaluations données par leurs professeurs. Les élèves d'origine indienne et chinoises ont tendance à être par contre surnotés, surtout en mathématiques, tandis que les blancs des classes populaires sont eux sous-notés par leurs enseignants.

Ce constat rappelle étrangement des études réalisées par l'équipe de Pierre Bourdieu autour de l'attitude des enseignants vis-à-vis de leurs élèves selon leur milieu social. Leur implication a un impact majeur dans la stimulation de leurs élèves. Ce véritable effet Pygmalion joue en la défaveur des élèves déjà défavorisés. Bruno Masurel d'ATD Quart Monde rapporte une anecdote très intéressante qui parait aussi très irréelle (reprise sur le site de Philippe Meirieu dans un texte intitulé "vivre la citoyenneté au collège") :
Je raconte très souvent l’histoire (vraie) de 2 élèves de 6°, Marie Jo et Didier, dont deux professeurs disent, au conseil de classe du premier trimestre, qu’ils sont sûrs qu’il vont redoubler, à la fin de l’année. Leur professeur principal, qui est nouvelle, qui est prof. de français, est elle-même très choquée par ce jugement, qui l’empêche de dormir une bonne partie de la nuit. Le lendemain, les élèves lui demandent « qu’est-ce qu’ils ont dit au conseil de classe ». Elle leur dit la vérité : deux professeurs, qui sont expérimentés, pensent que Marie Jo et Didier vont redoubler. Elle leur dit que cela l’a beaucoup choquée d’entendre ça, et elle leur demande ce qu’ils en pensent, et ajoute ce que elle-même en pense : Si on n’accepte pas ce jugement, qui condamne deux élèves, dès le premier trimestre, cela peut se passer autrement.
Face à ce défaitisme annoncé, la classe se réorganise pour aider les deux élèves condamnés et la coopération avec ceux qui ont des meilleurs résultats conduit finalement à l'absence de redoublement : ces élèves qui n'auraient pas progressé sinon réussissent à acquérir les compétences demandées pour passer en classe supérieure. Cette réorganisation exceptionnelle interroge les pratiques professionnelles des enseignants, les préjugés et la capacité à déjouer le "prévisible".

Cet effet Pygmalion a des sources profondes et certaines tout à fait rationnelles : tout le monde connaît grosso modo les grandes tendances statistiques de réussite scolaire. L'enquête anglaise a un titre éloquent en la matière : "Test Scores, Subjective Assessment and Stereotyping of Ethnic Minorities". Les stéréotypes sur les classes sociales et/ou les minorités ethniques ont certainement un fonctionnement similaire.

La différence dans l'évaluation est d'autant plus important dans les zones où les pauvres ou les minorités sont rares. Les stéréotypes seraient donc bien à l'origine des ces différences de traitements selon l'origine des personnes. À l'heure actuelle, je ne sais pas si ces traitements différenciés seraient reconnus comme des pratiques discriminatoires d'une personne chargée d'une mission de service public : cela se passe à l'école, il ne s'agit pas à proprement parler d'un refus de service, car tous les élèves sont évalués, et on ne leur refuse aucun droit. Indirectement, on objective grâce aux statistiques ces traitements différenciés en Grande-Bretagne, mais une telle enquête en France ne serait pas légale dans les mêmes conditions. Mais on peut présumer que le même phénomène existe en France.

L'article conclut à juste titre que cette lutte contre les stéréotypes n'est pas prise en compte par la législation actuelle sur l'égalité de traitement. À l'échelle européenne, cela demande donc des actes supplémentaires pour réduire les mécanismes de reproduction sociale et j'espère que le projet de convention européenne en tiendra compte.

vendredi 26 mars 2010

Comment transformer l'information en action ?

Twitter, nouveau porte-voix de la rue en Iran ? Les applications de téléphonie mobile, nouveau vecteur de développement ?

Internews Europe organise le 31 mars une projection-débat de "10 tactiques pour transformer l'information en action", un film du Collectif Tactical Tech autour des médias sociaux au service de l'activisme et du travail des ONG.

À travers le monde, les réseaux sociaux et les nouvelles technologies sont de plus en plus largement utilisées par les ONG et les activistes pour servir leurs causes. Venez découvrir comment et repartez avec de nouvelles idées !


Mercredi 31 mars 2010 à 18h30 au Comptoir Général.

jeudi 25 mars 2010

Comment Avaaz crée le buzz autour des OGM

Bien que ce billet ait été publié en mars 2010, il garde toute son actualité tant que le règlement de l'initiative citoyenne à l'échelle européenne ne sera pas mise en place début 2011. Je vous engage à ne pas signer la pétition, mais plutôt à contacter plusieurs eurodéputés de votre circonscription par mail ou par téléphone pour connaître leur position sur les OGM.

Voilà que la barre des 300 000 signataires a été franchie par Avaaz. Il faut dire que comme toute bonne chaine ou comme tout hoax, le message appelant à signer la pétition circule beaucoup.

Le principe est enfantin : jouer sur la crédulité des gens qui propageront le message avec d'autant plus de ferveur qu'ils sont convaincus de la pertinence du message.

Ici Avaaz, que personne ne connaissait il y a encore deux semaines, a lancé une pétition européenne dans le but de récolter le fameux million de pétition pour faire bouger la Commission européenne grâce au Traité de Lisbonne en demandant un moratoire sur les OGM. Or, je vois dans la démarche quelques petits soucis :
  • on ne sait pas encore comment marche le droit de pétition alors que la mise en œuvre du traité de Lisbonne ne date que de quelques mois : combien de pays membres doivent être représentés chez les pétitionnaires et dans quelle proportion pour que la procédure marche ?
  • le fait que des citoyens extracommunataires puisse signer rend peu crédible la démarche, même si le principe est louable
  • ce texte n'est pas tout à fait une pétition, puisque l'exposé des demandes n'est pas clair (quels sont les critères de l'indépendance de l'expertise ? ce n'est pas indiqué ici). Depuis une semaine, l'exposé a d'ailleurs été modifié.
  • pourquoi ce texte n'est pas appuyé par le réseau européen Green10 (regroupant Greenpeace, WWF,...) ou aucune des associations membres ?
Avaaz a certainement réussi son coup : renforcer son nombre de contacts grâce au buzz. Mais l'initiative de la pétition, si elle est peut-être bienfondée, demande surtout à être jugée sur son efficacité.

Un nouvel article sur le site du Parlement Européen ajoute d'autres problèmes :
  • les pétitions en ligne ne seront même pas forcément reconnues pour des raisons de fiabilité des signatures. On ne sait même pas qui va vérifier les signatures.
  • l'objet de la pétition doit-il être vérifié avant le lancement du recueil des signatures pour la pétition ? Si oui, par qui ? Comment ?
Ce nouvel outil de pétition à l'échelle européenne est un premier pas vers l'écoute active des citoyens. On peut parier que les réseaux européens associatifs vont être les premiers à utiliser cet outil pourtant assez limité dès qu'il sera en place début 2011. Il est presque étonnant que l'article parle de démocratie directe, alors le pouvoir de contrainte de la pétition est purement symbolique.

Ajout du 20 avril : La Commission Européenne a publié ce mois-ci une proposition de réglementation . Désormais le Conseil européen et le Parlement doivent se mettre d'accord. Une chose est sûre pour Avaaz, il est fort probable que les éléments qu'ils collectent ne soient pas suffisants : il est question de demander beaucoup plus d'éléments d'identification des personnes, comme par exemple le numéro de carte d'identité ou de sécurité sociale. Cela pose désormais le problème habituel de la protection des données personnelles.
Autres billets qui vous intéresseront peut-être

vendredi 12 mars 2010

Comment s'échapper du tourisme tourisme

L'an dernier dans le monde, ce sont 880 millions de touristes qui se sont déplacés. Parmi eux, seuls 58 millions touristes sont partis à l'étranger en 2008.‎ C'est l'Organisation Mondiale du Tourisme qui le dit.

Rodolphe Christin, dans son Manuel d'antitourisme (vous pouvez lire un autre extrait ici) rappelle combien cette forme de consommation est typiquement moderne :
Nos sociétés de travail et de loisirs produisent le tourisme dont elles ont besoin pour bénéficier d'un peu d'air. Or plus cet air est consommé, plus il est pollué. [...] Néanmoins, à l'heure où nos mobilités faciles sont menacées par la hausse du prix des carburants, quand nous massacrons le monde par notre style de vie, il convient de s'interroger, tant qu'on a encore un minimum de choix : comment s'échapper du tourisme ? Comment s'en passer ? Comment bien vivre sans lui ? Comment voyager autrement ? Vastes questions. Notre relation au tourisme et la nécessité vitale de "partir" interroge la qualité de notre vie quotidienne. Rien de moins. (p.28-107) 

lundi 8 mars 2010

Comment repenser à Dakar

C'était difficile de publier un article depuis Dakar avec la délégation du Conseil Parisien de la Jeunesse partie la semaine dernière pour inaugurer et aider un cybercafé communautaire qu'il avait financé. L'emploi du temps du groupe avait une amplitude horaire qui laissait trop peu de temps au repos et aux activités personnelles. Je vais en profiter maintenant pour réfléchir aux quelques enseignements possibles lors d'un séjour d'une semaine à Dakar, une semaine bien courte au vue de la vivacité de ce coin du monde. On a à peine le temps de s'habituer à la Teranga sénégalaise qu'il faut déjà partir.

Première surprise en arrivant à Dakar, c'est la manière dont les Dakarois conduisent. C'est frappant de voir combien ils conduisent bien mieux que les Français, plus lentement et tellement plus détendus. Durant tout le voyage, je n'ai d'ailleurs vu qu'un seul accident alors que j'aurais pu en voir dans la même période au moins deux ou trois autres si j'étais resté à Paris. J'ai aussi remarqué peu de Dakaroises au volant, certainement la marque des traditions. À part les taxis quand ils voient des blancs, peu de sons de klaxon sse font entendre : peu stressé, moins égoïste, chaque conducteur semble respecter davantage ses voisins et la conduite plus lente est aussi moins dangereuse.

Puis on se rend compte que le ciel est aussi bleu qu'à Paris. C'est-à-dire pas vraiment bleu. Ce bleu très pâle n'a rien à voir avec le bleu de la Côte d'Azur alors qu'à Dakar nous sommes aussi à côté de la mer : la pollution paraît donc équivalente à celle de Paris.

Tous les jeunes relais du Kpote Kiosque ont été très mobilisés durant toute la semaine pour nous accompagner et nous montrer, concentrées sur une semaine, toutes les activités organisées tout au long de l'année. Si, pour le CPJ, le choix en 2007 d'aider la luttre contre la propagation du VIH participait plus à un effet de mode qu'à une réelle réflexion, nous avons pu en apprendre davantage sur le contexte dakarois. La prévalence est faible, juste le double de celle de la France mais ce pays fait face à d'autres défis.
 

La promotion du préservatif doit toujours se prémunir de la critique de l'incitation à la débauche. C'est pour ça qu'il était inenvisageable d'aller distribuer des préservatifs (sans compter qu'en plus nous ne sommes pas sénégalais). On aperçoit aussi l'intérêt des tests rapides utilisés depuis des nombreuses années au Sénégal alors qu'on vient tout juste de l'expérimenter en France. Enfin, comme de nombreuses personnes l'ont remarqué, il est curieux d'avoir choisi le VIH alors que la paludisme est de loin le virus le plus mortel au Sénégal.

Au-delà de ces remarques sur le contexte sénégalais, notre petit projet tournait plus autour de la création du cybercafé. L'idée venait des jeunes relais eux-mêmes et à part les problèmes de maintenance habituels pour le commencement, tout devrait bien se passer une fois que tout sera rôdé. J'ai été d'ailleurs étonné de voir à quel point les jeunes sont aussi en pointe que nous sur les nouvelles technologies par rapport à nos aînés avec le nombre de réunions qui commencent par des powerpoints.


Par contre, je suis un peu plus réservé sur l'impact de ma formation de formateurs pour animer le cybercafé. J'avais en tête de former des personnes-ressources pour qu'elles puissent organiser des formations d'initiation à Internet (création d'adresse électronique, recherche en ligne,...). Finalement, je me suis consacré à la création de blogs, ce qui est aussi utile, mais cela ne va pas contribuer à fidéliser des visiteurs dans le cybercafé.

Dans le contexte mondial, il est cependant important de mieux redistribuer le pouvoir de diffuser de l'information. Un moyen d'éviter les clichés sur l'Afrique est de faciliter la prise de parole des gens. Les blogs contribuent à cela à France et je n'ai même pas eu le temps de me renseigner sur ce qu'il se fait au Sénégal. Une autre initiative est développée par Enda autour de la formation de jeunes journalistes citoyens sénégalais. Je leur ai parlé du coup de la réalisation des films des téléphones portables avec le festival Pocket Films. Chaque mois, cet outil démontre la capacité de démocratiser l'information et la capacité de filmer.

La rencontre avec Enda a été formidable : leur conception du changement participatif converge avec tout ce qui m'intéresse sur Paris. Ils nous ont bien mis en garde sur le contexte de la société sénégalaise, le fait qu'il fallait renégocier le contrat social, et arrêter d'universaliser ses valeurs et commencer à mettre en oeuvre la "pluriversalisation". Enda-Ecopole mène aussi tout un travail autour de l'innovation pédagogique, notamment autour de la reconnaissance des compétences acquises sur le tas.

Les gens qui composent ce réseau semblent faire un travail exceptionnel sur le renforcement des capacités (empowerment) et j'ai bien senti qu'il y aurait tant de choses à apprendre auprès d'eux (comme volontaire comme le soufflait l'ambassade ?). Notamment sur l'évaluation, nous avons une discussion à table sur la nécessité d'organiser des évaluations non-formelles, en misant sur le caractère convivial. Leur boutique d'objets issus du recyclage nous a par ailleurs mené à nous interroger sur ce qui est attendu de nous : lorsqu'il s'agit d'acheter "solidaire", on ne sait plus s'il faut recommencer le rituel de la négociation des prix.

Toutes les associations rencontrées font à la fois un vrai travail de terrain, mènent des réflexions, et il y a cette attention portée à l'informel qui me ravirait si elle n'était pas en lien direct avec un État-providence faible. Au lieu du défaitisme, les Sénégalais montre une certaine vivacité dont on manque un peu en France.

Durant ce séjour, il y a eu des moments d'apprentissage pour comprendre un peu mieux ce pays et l'impact de notre projet, il y a eu des moments d'enseignements autour du cybercafé, ainsi que des moments surréalistes et des moments de grand embarras.

Quelles perspectives ?

La fin du séjour n'avait pas que le parfum de la nostalgie : Mass Kodjo de l'association Action pour le Civisme et la Citoyenneté nous explique que la grande majorité des Français une fois repartis en France ne donnent plus de nouvelles. C'est d'autant plus injuste qu'il se donne beaucoup de mal pour nous accueillir, nous accompagner (sans d'ailleurs qu'on se préoccupe trop de savoir à quel point on perturbe sa vie personnelle). C'est ce même regard que j'ai eu aussi l'impression de retrouver avec les personnes du Kpote Kiosque venues nous souhaiter un bon voyage à l'aéroport. Puisque cette méfiance doit être justifiée, j'espère que nous serons plusieurs du groupe à faire mentir cette réputation d'égoïsme.

Tout cela me rappelle la critique du tourisme occidental : on consomme de l'exotisme, puis tout part à la poubelle. Cependant nous ne sommes pas partis faire du tourisme.

À court-terme, il y a une multitude d'initiatives que certains membres du Conseil Parisien de la Jeunesse pourront aider autant que possible à distance. Durant toute la semaine, je me suis demandé si d'une part l'objectif principal du voyage a été réussi : est-ce que le cyber est bien parti pour assurer la pérennité des activités du centre communautaire ? Pleins de petits détails qui renforcent ou diminuent la pertinence du projet sont apparus durant notre séjour. Ce sont ces petits détails qui montrent combien nous étions en décalage en pensant "depuis Paris". Une visite intermédiaire aurait permis d'affiner les besoins bien davantage. Quand on voyage, il y a les effets non-prévus, les rencontres qui nous aident à percevoir d'autres limites de ce petit projet.

A moyen-terme, difficile de ne pas prévoir d'y retourner. Une semaine à Dakar ou ailleurs, on en revient toujours à la même conclusion : on ne peut pas construire grand chose sans connaître les habitants. Je considère a posteriori cette petite expédition comme une visite de faisabilité. C'est pour cette raison que j'ai acheté une carte de Dakar et un dictionnaire wolof-français.

L'idée de réaliser un volontariat (d'ici mes 28 ans donc) va continuer de me trotter dans la tête.

Comment Paris a pris un temps de retard dans la concertation

On me signale l'évènement suivant qui pourra intéresser les lecteurs parisiens de ce blog.

"Paris, un temps dʼavance" : cʼétait le slogan de campagne de Bertrand Delanoë sollicitant les suffrages des Parisiens en 2008. Pour rallier les associations de défense de lʼenvironnement, il leur promettait monts et merveilles en matière de concertation.

Trois ans plus tard, les associations ne sont pas déçues : elles sont en colère. Dans toutes les grandes opérations dʼaménagement qui conditionnent lʼavenir des Parisiens, la concertation est soit tombée en panne lorsquʼelle existait, soit demeurée au stade des promesses électorales.

Les associations retournent donc le slogan et disent : "Concertation à Paris, un temps de retard". Pour présenter le dossier complet et argumenté de cet échec de la démocratie participative à Paris et réclamer que l'équipe municipale respecte ses engagements de 2008, les associations organisent une réunion dʼinformation :

Jeudi 11 Mars à 18h30
au Centre culturel Cerise - 46 rue Montorgueil
 
dans le 2e arrondissement
Métro Sentier, Etienne Marcel, Les Halles

Associations invitantes :
Plateforme des associations parisiennes dʼhabitants
Accomplir (Les Halles, La Samaritaine) – www.accomplir.asso.fr
Association Eco-ZAC des Batignolles (Clichy-Batignolles) – www.ecozacbatignolles.org
Association ACTEVI (Tour Triangle) – http://touchepasamonciel.unblog.fr
Paris Banlieue Environnement (Paris Nord-Est) – http://assospbe.free.fr
XVIe DEMAIN (équipements sportifs du 16ème)
Coordination pour la Sauvegarde du Bois de Boulogne
Tam-Tam (Paris Rive gauche, Bercy-Charenton) – www.associationtamtam.fr


Un document exposant les raisons du mécontentement associatif sera remis. Sur le même sujet, on pourra aussi lire un chapitre d'un livre paru ce mois-ci consacré à la démocratie participative écrit par Marie-Hélène Bacqué, Yves Sintomer, Amélie Flamand et Héloïse Nez : La démocratie participative inachevée. Genèse, adaptations et diffusions.

jeudi 4 mars 2010

Comment le Canada se préoccupe de l'accès à l'information

Le principe est simple :
« La loi en matière d'accès à l'information a […] pour objet général de favoriser la démocratie, ce qu'elle fait de deux manières connexes. Elle aide à garantir, en premier lieu, que les citoyens possèdent l'information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique, et, en second lieu, que les politiciens et bureaucrates demeurent comptables envers l'ensemble de la population. »
Le journalisme de données fait les choux gras d'une presse en quête de scoop sur les multiples dérapages des élus qui confondent leur propre carte bleue avec celle de leur ministère (Suède) ou encore ceux qui exagèrent avec les remboursements de notes de frais (Grande Bretagne). De quoi donner envie de militer pour une plus grande liberté d'informer ?

Un des intérêts des lois qui existent en Europe ou en Amérique du Nord est dans l'exigence d'une réponse dans un certain délai. Cette question est essentielle dans le cas de la mise en oeuvre du droit à l'information. Si l'on obtient des documents administratifs un an après l'avoir demandé, il est probable que l'intérêt en soit diminué.
Au Canada, la loi sur l'accès à l'information exige une réponse en moins de 31 jours aux demandes inviduelles de journalistes ou de citoyens. Or indique le journal Le Devoir, "il est maintenant courant que les délais s'étirent sur quatre, cinq ou six mois, voire davantage. Par exemple, au ministère des Affaires étrangères, aucun document concernant l'Afghanistan n'est traité en moins de 300 jours."

Voilà pourquoi la Commissaire chargée de l'accès à l'information a lancé une enquête pour comprendre comment certains ministères pouvaient dysfonctionner autant. À quand une loi similaire en France ? La Ligue des Droits de l'Homme proposait pour la démocratie locale que ce même délai d'un mois soit transposé pour les réponses aux citoyens désireux d'accéder à des documents administratifs. Nous reparlerons des faits un peu plus tard.