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mardi 27 octobre 2009

Comment débattre de notre identité nationale ?

Il ne va certainement s'agir que d'une vaste blague consultative... Éric Besson a donc décidé de l’ouverture le 2 novembre 2009 d’un grand débat sur l’identité nationale. Cela sera très loin du débat un peu similaire sur la thématique lancé au Québec il y a deux ans. Ici aucun universitaire parcourant le pays pour faire des auditions, mais les préfectures sont chargées de l'organisation. Ce qui est très étonnant, c'est que le reste du communiqué de presse du 26/10/09 déclare que ce
débat sera alimenté par le rapport du Haut Conseil à l’Intégration « Faire connaître les valeurs de la République », remis au Ministre le 21 avril 2009, et par le rapport parlementaire sur le « respect des symboles de la République », établi par les députés Jean-Philippe MAURER, Françoise HOSTALIER, Jacqueline IRLES et Philippe MEUNIER.
C'est bien ce qui m'inquiète le plus. On ne peut pas appeler ça de bons rapports alors que l'inadaptation de l'éducation civique est une réalité. J'ai le souvenir de cours assez ennuyeux, tournés vers les institutions : le mille-feuille administratif découlant de la décentralisation en France est certainement l'aspect le plus sexy de la politique pour intéresser les jeunes... Et c'était peu tourné vers la pratique du débat. Sauf en seconde où nous avions des débats passionnés sur la peine de mort ou sur la parité.

Dans les ministères en tout cas, repenser l'éducation civique semble devenir une priorité. Les rapports commandés sont sur le même moule : il s'agit bien plus de former de bons patriotes. La dimension des droits de l'homme, de la tolérance, et donc de la citoyenneté active, est curieusement souvent absente.

Avril 2009, le Haut-Conseil à l'Intégration rendait son rapport pour "Faire connaître, comprendre et respecter les valeurs et symboles de la République et organiser les modalités d'évaluation de leur connaissance". Le drapeau, l'hymne, etc. sont les symboles centraux pour le rapport. Ici il ne sera jamais question des droits fondamentaux : ni les droits civils, ni les droits sociaux, ni les quelques droits culturels ne sont abordés sérieusement. On n'incite pas à apprendre pas ici à connaître le droit du travail, ce serait tellement inutile...

Et voilà que sort ce débat sur l'identité nationale sans expliciter le lien avec un nouveau rapport : Brice Hortefeux avait demandé à Patrick GAUBERT, député UMP au Parlement européen, président de la LICRA de plancher sur la définition des "connaissances nécessaires à une bonne compréhension des valeurs et symboles de la République". Alors comment va s'articuler ce rapport avec le débat voulu par Éric Besson ? Que vont surtout devenir les droits de l'homme dans ce rapport ? Contrairement à l'hymne, le fait que les droits de l'homme soient si mal connus et si peu reconnus ne semble pas un problème. C'est même à se demander si c'est central dans la définition de notre démocratie.

Patriotisme ou véritable éducation citoyenne ?

L'éducation civique en France serait une éducation morale mal conçue et Éric Besson n'est pas le seul à le penser. Cependant, aborder l'éducation civique sous le seul angle de l'identité nationale, c'est non seulement consternant, mais totalement en décalage avec ce que proposent les institutions internationales... Encore faut-il que nos rapporteurs montrent une petite curiosité pour sortir du franco-français. L'UNESCO par exemple a choisi d'axer l'éducation morale sur les droits fondamentaux : nous sommes en effet dans la décénnie d'éducation aux droits de l'homme ! Si vous ne le saviez pas, ce n'est pas en France que vous pourriez le savoir. Pourtant il y a même eu des travaux préparatoires.

Autre bon exemple de ce que peut faire une institution internationale, les travaux du Conseil de l'Europe sont tournés vers la pratique et leurs méthodes actives sont destinées à former à la démocratie et à la tolérance. Tout ce travail était bien nécessaire après la chute du régime soviétique. Parmi quelques exemples d'exercices assez représentatifs :
Inciter les jeunes à devenir des patriotes endormis sur des symboles ou des citoyens actifs et revendicatifs, il faut choisir... L'Europe a choisi la promotion des droits de l'homme. Et la France de Monsieur Besson ?


Je ne serais pas juste en disant que les droits fondamentaux sont systématiquement oubliés. En effet, paraissait aussi en avril dernier le rapport d'Alain-Gérard SLAMA sur "L'éducation civique à l'école". Quelques problèmes issus des droits fondamentaux sont abordés, même si ça reste éloigné des préoccupations du quotidien. Il y est tout de même question d'encourager les expériences du Parlement d'élèves dont j'ai déjà parlé, mais il ne s'y attarde pas sans même citer les manuels existants. Écrit dans la plus pure tradition française, c'est très intellectualisant (il suffit de regarder la bibliographie à la fin). C'est aussi complètement éloigné des réalités du terrain et de la mise en pratique. Mais certains aiment bien se regarder le nombril...

1 commentaire:

  1. Ah... les vieux cours d'éducation civique... le département, la région, le conseil général... Tout pour faire rêver les jeunes...

    Cependant, les choses ont bougé depuis l'époque où nous (je dis "nous" parce que je pense que nous avons grosso modo le même âge) ont cédé la place au lycée à l'Education Civique, Juridique et Sociale, alias ECJS. C'est plus organisé en débat - du moins c'est l'objectif final : un débat argumentée entre les élèves - et autour de thèmes un peu plus sexy, citoyenneté, intégration, changement social... Mais toujours pas les droits de l'homme... Un jour peut-être...

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