L’espace public traditionnel s'est transformé avec l'arrivée d'Internet et c'est précisément ce qu'étudie Dominique Cardon, sociologue au Laboratoire des usages d’Orange Labs dans son dernier ouvrage au Seuil : la démocratie Internet. "Cet ouvrage voudrait montrer comment (ces attentes) dessinent une forme démocratique propre dont on peut trouver les principes dans l'histoire, les valeurs et les usages d'Internet."(p.10) En permettant à chaque lecteur d'être aussi contributeur à égalité avec les autres, la liberté d'expression prend son envol. Les portes-paroles traditionnels ont plus de difficultés à trier et organiser les informations disponibles pour le public.
L'auteur arrive à retracer ce que fait le web à la démocratie en se concentrant avec nuance sur les vertus de la libération de cette parole dans l'espace public : "Internet permet donc d'enrichir la discussion politique des citoyens. Mais il creuse aussi la fracture entre ceux qui lisent, s'affichent et discutent de politique, et ceux qui, moins politisés, informés par les seuls médias télévisés, n'entrent pas dans la conversation numérique." (p.69)
Les autres facettes de l'e-démocratie sont très rapidement esquissées dans cette synthèse efficace pour le lecteur quel que soit son usage des nouvelles technologies. On aurait aimé voir plus long comme les autres ouvrages de la même collection.
Quelques extraits :
p.86 Par le haut et par le bas, c'est la libération des informations qui, non sans risque, permet aux internautes de s'auto-organiser pour produire des formes collectives et critiques d'un nouveau genre.
p. 100 La méfiance à l'égard d'une parole sans contrôle ni censure cache une méfiance encore plus grande à l'endroit d'une société auto-organisée.
p.85 En rendant plus transparent le travail des administrations et des entreprises, l'accès aux données publiques ne préjuge pas des usages que les internautes, les collectifs associatifs, mais aussi les entreprises et les lobbies, pourront en faire. Soutenu par un argument libéral et une visée libertaire, le mouvement des "données ouvertes" se méfie de la capacité des représentants de conduire le débat avec les citoyens et incite ces derniers à profiter de l'ouverture des données pour les visualiser à leur guise, les agréger en fonction de leur questionnement, les croiser selon leurs interrogations propres.
p.84 Dès lors, celles-ci ne doivent pas chercher à initier ni conduire le débat, mais seulement à rendre plus faciles les conditions dans lesquelles les internautes peuvent créer leur propre débat.
p.80 Derrière l'horizon démocratique du "tout-participatif" se reproduisent des partages qui ont pour origine l'inégale distribution des capitaux socioculturels.
P.19 La participation se répartit systématiquement selon une "loi de puissance" (parfois appelée loi des 1/10/100) qui voit une fraction minime de contributeurs être très active, une petite minorité participer régulièrement et la masse bénéficier des ressources de la communauté sans y apporter de contribution décisive.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire