À l’occasion des cinquante ans de l’Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale (ADELS), ses militants, administrateurs et salariés renouvellent leur projet associatif et leur raison d’agir. Ils souhaitent partager ce manifeste avec les collectivités, les professionnels, les associations, les réseaux et les citoyens qui le souhaitent, comme fondement des partenariats et des convergences que l’Adels veut sceller avec tous ceux qui réinventent la démocratie.
Faut‐il croire encore en la démocratie ? Les inégalités ne cessent de s’accroître entre les individus et entre les territoires, entre le Nord et le Sud ; la justice sociale est moins que jamais la finalité de l’action publique ; les catastrophes environnementales engendrent de nouvelles injustices ; les libertés publiques et les corps intermédiaires, syndicaux et associatifs, partout, régressent. Dans le même temps, les démocraties représentatives semblent avoir renoncé à jouer leur rôle de régulation politique, quand leurs gouvernements n’accompagnent pas ces évolutions. À travers ce retrait impuissant ou organisé du politique, c’est l’idéal démocratique lui‐même qui semble aujourd’hui atteint.
Dans ce contexte, de nombreuses organisations en France, en Europe et dans le monde remettent en cause le règne du libéralisme dominé par la finance et la marchandisation de toutes les activités. Elles défendent et expérimentent d’autres modèles de développement durable et d’organisation sociale qui promeuvent l’humain contre le profit, et redonnent au politique le primat sur l’économie.
Dans ce mouvement de résistance, l’Adels revendique une place et une démarche propres. Née en 1959 dans le champ de l’éducation populaire, elle n’a cessé d’affirmer la possibilité de changer la société à partir de l’espace local et d’encourager la prise de pouvoir par les citoyens sur leur cadre de vie. Elle souhaite, aujourd’hui, accompagner et soutenir l’action de tous ceux qui partagent cet idéal de citoyenneté active et aspirent à un renouvellement en profondeur de nos démocraties autour de trois principes fondamentaux :
- l’égalité politique comme droit et comme réalité, c’est‐à‐dire la possibilité pour tous de participer au processus de prise de décision ;
- la justice sociale comme horizon de l’action collective, c’est‐à‐dire la possibilité pour chacun, à commencer par les classes populaires, de faire entendre ses droits dans l’espace public et de bénéficier d’un partage équitable des richesses ;
- l’auto‐organisation comme modalité d’intervention citoyenne et comme principe organisateur de la société, c’est‐à‐dire l’encouragement à la recherche de solutions collectives.
Aujourd’hui, l’Adels ne peut se satisfaire des faux‐semblants de démocratie qui ne s’adressent qu’à une partie de la population en laissant de côté les jeunes, les plus démunis et les personnes d’origine étrangère. Elle ne peut se satisfaire d’une démocratie qui opère une sélection sociale par l’usage de codes, de rituels et de niveaux de langages qui aboutissent à l’exclusion d’une partie importante de la population. Elle ne peut se satisfaire de ces concertations prétendument démocratiques qui ne sont qu’information, opération marketing, communication politique ou vague consultation sur des dossiers déjà bouclés.
Face à ces simulacres qui font perdre le sens des mots, l’enjeu est de réinventer la démocratie autour d’une participation réelle des citoyens à l’élaboration des choix collectifs comme à l’évaluation des politiques publiques. Face au dévoiement de la notion de « démocratie participative », il s’agit également d’expérimenter de nouvelles formes de partage effectif de la décision et du pouvoir, dans le cadre d’une démocratie représentative amenée à transformer progressivement ses modes de prise de décision. Face aux forces qui agissent pour transformer les citoyens en simples consommateurs, spectateurs d’un débat auquel ils ont pour la plupart renoncé à participer faute d’y trouver leur place, il s’agit de leur rendre des armes de compréhension et d’action en renouant avec les idéaux fondateurs de l’éducation populaire. Face, enfin, aux idéologies qui font l’apologie de la compétition et de la concurrence comme uniques moyens de régler les problèmes, il s’agit de mettre en avant les principes de la coopération, de la mutualisation, de la solidarité et de la construction de compromis sociaux. L’enjeu est de parvenir à une démocratie authentiquement délibérative, dans laquelle tous les citoyens ont une possibilité égale de participer au débat public et à la construction de la décision.
L’Adels pense qu’une démocratie vivante exige des citoyens engagés. Elle se donne pour mission d’encourager toutes les initiatives, institutionnelles ou extra‐institutionnelles, susceptibles de promouvoir cet idéal. L’Adels est aux côtés des mouvements d’émancipation qui, en France , en Europe et dans le monde travaillent à l’intégration du plus grand nombre dans la sphère publique. Elle accompagne les élus, les institutions et les associations qui poursuivent cet objectif d’inclusion politique.
Au moment où le retour autoritaire et directif de l’État central menace l’autonomie des collectivités locales, et où le principe même d’une décentralisation des pouvoirs est remis en cause, elle réaffirme l’importance d’une démocratie locale non confisquée par des élus, des techniciens ou des groupes d’intérêt. L’Adels promeut toute législation allant dans ce sens, et combat toute initiative régressive dans ces domaines.
L’Adels se veut un soutien des acteurs du changement, par sa revue Territoires, par ses activités de formation et d’accompagnement des acteurs, par les Rencontres de la démocratie locale, par les débats qu’elle provoque en faisant se rencontrer les élus, les techniciens, les cadres et les bénévoles associatifs, les territoires et les peuples du monde. L’Adels est également un réseau militant qui se veut un lieu d’expérimentation, de recherches, de ressources, de mise en relation des acteurs locaux et de réflexion sur les enjeux de renouvellement de la démocratie. En organisant, accompagnant ou contribuant à rendre visibles toutes les initiatives et les débats susceptibles de donner corps à cet idéal de délibération démocratique, l’Adels veut réaffirmer la puissance d’imagination et le pouvoir de transformation de l’idée démocratique au XXIe siècle.
Nous en debattrons les 28 et 29 mai à Grenoble et je vous invite à venir nombreux.
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