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samedi 21 août 2010

Comment la Finlande peut améliorer notre santé

Jenni Viitanen, chercheure à l'Institute for Public Policy Research North vient de publier une tribune dans le Guardian qui prend modèle sur la Finlande. Cet exemple sera sans aucun doute parlant pour le public français.


Les inégalités de santé britannique sont les pires d'Europe. Voyons comment la Finlande renversé la vapeur dans les années 1970.


On trouve en Grande-Bretagne les inégalités géographiques dans l'espérance de vie de sa population les plus frappantes d'Europe. La dernière décennie de prospérité économique a connu une polarisation croissante de façon alarmante, avec des décès prématurés dus aux maladies cardiaques et aux accidents vasculaires cérébraux notamment dans le nord en particulier. Manchester est en tête du classement des décès prématurés. Le nord-ouest est la pire région, suivie par le nord-est. Un mauvais état de santé limite l'espérance de vie et l'autonomie, et c'est l'expérience de première main dans les communautés les plus pauvres dans le nord.
Face aux inégalités de santé persistantes, le gouvernement de coalition a peut-être raison de s'interroger sur l'efficacité des campagnes de santé publique. Mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain ! Les Finlandais ont prouvé qu'on pouvait lutter contre les inégalités de santé grâce à des actions collectives et de la détermination.

Le projet de la Carélie du Nord montre comment la géographie de l'inégalité peut être vaincue en engageant le cœur et l'esprit des populations locales. Dans les années 60, la Finlande avait le plus fort taux du monde de décès prématurés pour les maladies coronariennes. Des gens sont morts de jeunes en grande partie pour des causes évitables et curables, particulièrement concentrées dans la province pauvre de l'est de la Carélie du Nord. Après bien des débats politiques et des travaux scientifiques, le programme de prévention a été mis sur pied en 1972 et coordonné par l'université locale.

Le message-clé était autour de la question du choix de mode de vie, tels que le tabagisme ou l'exercice, un équilibre approprié entre le sel, les graisses saturées, les fruits et légumes frais. L'engagement a été fait par le biais des groupes communautaires locaux et aucun partenaire potentiel n'a été négligé : les médecins et les infirmières, les écoles, les bibliothèques, les médias locaux, les supermarchés et l'industrie alimentaire ont tous participé à cette campagne.

L'initiative a été accueillie par des sentiments mitigés. La production laitière a été une importante source de subsistance dans les régions rurales de Carélie du Nord et le beurre faisait partie des produits locaux très appréciés. À cette époque, les gens croyaient que les maladies du cœur ne pouvaient pas être contrecarrées. La perspective de pouvoir lutter et même d'éviter la maladie a été un puissant message. Les familles touchées par les décès précoces et une maladie cardiaque invalidante pour des générations d'hommes et de femmes ont finalement été convaincues que leur santé et leur bien-être pourraient être améliorées en changeant de mode de vie. Et c'est ce qui s'est passé : en 2006, la région avait vu une réduction énorme de 85% de la mortalité due aux maladies coronariennes chez les hommes en âge de travailler.

Compte tenu du temps écoulé et les différences culturelles en jeu, nous pouvons nous retrouver à comparer des choux avec des pommes de terre. Mais il y a quatre principes clés d'un message retentissant à la situation actuelle au Royaume-Uni [et en France] :
  • Le mythe de l'"état minimaliste" : la campagne a été déclenchée grâce à l'action collective de la communauté elle-même ; ce sont les élus locaux qui ont demandé l'intervention du gouvernement.
  • La localisation compte : l'intervention a été basée sur des recherches scientifiques solides, de trouver des réponses sur mesure pour s'adapter à la situation locale.
  • Les sciences comptent : le programme était basé sur la recherche pluridisciplinaire coordonnée par l'université locale.
  • Les réseaux comptent : les individus, les amis, les collègues et les voisins échangeant des informations et des expériences se sont révélés inestimables.
Dans les années 70, des slogans tels que « co-production » et « grande société » n'avaient pas été inventés [les slogans de la récente campagne électorale britannique; NdT], mais les réussites du programme de Carélie du Nord sont étroitement liées à ces concepts. Le contexte social et physique de la Carélie du Nord a été transformé grâce à une compréhension approfondie de la situation locale et un large consensus sur les valeurs dans les différents secteurs et la société civile - les personnes étaient placées avant le profit, ce qui finirait par se révéler plus rentable à long terme. Il y avait l'enjeu important autour du commerce et le programme a finalement bénéficié aussi aux détaillants. L'hypothèse sous-jacente de la marque de la « grande société », telle que l'action étatique étouffe en quelque sorte l'action communautaire, est à questionner si la Finlande apporte la preuve du contraire.
La leçon la plus importante est que la promotion de la santé a besoin pour être  efficace d'engagement soutenu envers la recherche scientifique et envers le développement communautaire. Le contexte médiatique et les progrès scientifiques de ces dernières année ont créé un environnement plus complexe qu'il y a 30 ans.

Le gouvernement aura besoin d'un leadership fort pour coordonner les activités et  redonner le pouvoir aux gens dans les quartiers défavorisés de faire de meilleurs choix. Le cas de la Carélie du Nord montre que les gens témoignent d'un grand intérêt pour leur santé et leur bien-être. Armés de conseils qui prennent en compte les spécificités locales et du soutien des autres, les gens peuvent changer leur vie.

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