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lundi 14 juin 2010

Comment la France oublie l'Afghanistan

Une des grandes thématiques des films du dernier festival de Cannes a été la guerre. La situation en Irak a fait notamment l'objet du dernier film simpliste de Ken Loach. L'Afghanistan a quant à elle bénéficié d'une couverture médiatique avec Armadillo, de Janus Metz. Ce documentaire danois nous rend mal à l'aise, car on garde en plus le sentiment tout au long du film que ce qui est montré n'est pas tout à fait réel. Le montage contribue à cet effet, car il donne une narration beaucoup plus proche du film de guerre alors que le film a bel et bien été tourné sur une base danoise.

Si le film a eu autant de retentissement, ce n'est pas parce qu'il a remporté le Grand Prix de la semaine de la critique (bien mérité), mais le scandale est venu par une scène où des soldats danois achèvent cinq combattants ennemis. C'est un crime de guerre au sens de la convention de Genève qui s'applique aux combats sur terre et un jeune incorporé vend la mèche dans sa famille qui se plaint à son tour à l'État-major. Lorsque cette plainte est répercutée au responsable de la base, sa première réaction est de chercher qui a bien pu manquer de clairvoyance et de "loyauté" vis-à-vis du groupe.

Ce crime de guerre, filmé par le documentariste, a obligé l'armée danoise à ouvrir une enquête sur ce cas. Puis, lors de la diffusion à Cannes, un débat exceptionnel au Parlement a dû être organisé au Danemark. La possibilité de tourner un tel documentaire, où on perçoit mal les contraintes imposées par l'armée au réalisateur dans l'objet fini, est étonnante. Depuis la guerre du Vietnam, le contrôle de la propagande n'a jamais été aussi fort : l'armée danoise vient d'en faire les frais alors que l'efficacité de l'engagement en Afghanistan est de moins en moins évident.

Et la France dans tout ça ? C'est une autre évidence que l'armée française est nettement plus morale et qu'elle est incapable de commettre le moindre crime de guerre, et encore moins de les couvrir. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est inutile de parler de l'engagement français ni à l'Assemblée, ni d'en faire des documentaires de cinéma ou des fictions. Alors qu'un certain nombre de pays, le Royaume-Uni ou la Norvège (Upperdog) par exemple, ont diffusé des films sur le sujet, la France n'y trouve aucune inspiration.

En attendant qu'Armadillo sorte dans les salles françaises, le public français pourra continuer d'attendre des oeuvres politiquement audacieuses. Le questionnement éthique rapporte moins que les opérations militaires en Afghanistan, alors pourquoi en faire des films ?

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