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lundi 31 mai 2010

Comment réformer une véritable éducation citoyenne

L’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme sont étroitement liées et se confortent mutuellement. Elles diffèrent davantage par le sujet et la portée que par les objectifs et les pratiques. L’éducation à la citoyenneté démocratique met essentiellement l’accent sur les droits et les responsabilités démocratiques et sur la participation active, en relation avec les aspects civiques, politiques, sociaux, économiques, juridiques et culturels de la société, alors que l’éducation aux droits de l’homme s’intéresse à l’éventail plus large des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie.

« L’éducation à la citoyenneté démocratique » couvre l’éducation, la formation, la sensibilisation, l’information, les pratiques et les activités qui visent, en apportant aux apprenants des connaissances, des compétences et une compréhension, et en développant leurs attitudes et leurs comportements, à leur donner les moyens d’exercer et de défendre leurs droits et leurs responsabilités démocratiques dans la société, d’apprécier la diversité et de jouer un rôle actif dans la vie démocratique, afin de promouvoir et de protéger la démocratie et la primauté du droit.

« L’éducation aux droits de l’homme » concerne l’éducation, la formation, la sensibilisation, l’information, les pratiques et les activités qui visent, en apportant aux apprenants des connaissances, des compétences et une compréhension, et en développant leurs attitudes et leurs comportements, à leur donner les moyens de participer à la construction et à la défense d’une culture universelle des droits de l’homme dans la société, afin de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

« L’éducation formelle » concerne le système structuré d’éducation et de formation qui commence à l’école préélémentaire et primaire et se poursuit dans l’enseignement secondaire et universitaire. Elle est en principe dispensée dans des établissements d’enseignement général ou professionnel et sanctionnée par des diplômes.

« L’éducation non formelle » couvre tout programme éducatif planifié destiné à améliorer un ensemble d’aptitudes et de compétences en dehors d’un cadre d’enseignement formel.

« L’éducation informelle » qualifie le processus selon lequel chaque individu acquiert, tout au long de la vie, des attitudes, des valeurs, des compétences et des connaissances grâce aux influences et aux ressources éducatives de son environnement et à son expérience quotidienne (famille, pairs, voisins, rencontres, bibliothèque, médias, travail, loisirs, etc.).

Le Conseil de l'Europe recommande à ses 47 états membres :
  • a. Chaque personne vivant sur leur territoire devrait avoir accès à une éducation à la citoyenneté démocratique et à une éducation aux droits de l’homme.
  • b. L’apprentissage en matière d’éducation à la citoyenneté démocratique et d’éducation aux droits de l’homme est un processus qui dure toute la vie. L’efficacité de cet apprentissage passe par la mobilisation de très nombreux acteurs, parmi lesquels les responsables de l’élaboration des politiques, les professionnels de l’éducation, les apprenants, les parents, les établissements pédagogiques, les autorités éducatives, les fonctionnaires, les organisations non gouvernementales, les organisations de jeunesse, les médias et le public.
  • c. Tous les moyens d’éducation et de formation, qu’ils soient formels, non formels ou informels, ont un rôle à jouer dans ce processus d’apprentissage et sont utiles pour la promotion de ses principes et la réalisation de ses objectifs.
  • d. Les organisations non gouvernementales et les organisations de jeunesse peuvent contribuer très utilement à l’éducation à la citoyenneté démocratique et à l’éducation aux droits de l’homme, notamment dans le cadre de l’éducation non formelle et informelle, et il convient par conséquent de leur donner la possibilité de remplir ce rôle et de leur apporter un soutien à cet égard.
  • e. Les pratiques et les activités d’enseignement et d’apprentissage devraient respecter et promouvoir les valeurs et les principes concernant la démocratie et les droits de l’homme ; en particulier, la gouvernance des établissements d’enseignement, y compris les écoles, devrait refléter et promouvoir les valeurs des droits de l’homme et encourager la responsabilisation et la participation active des apprenants, des personnels de l’éducation et des autres parties prenantes, y compris les parents.
  • f. Un élément essentiel de toute éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme est la promotion de la cohésion sociale et du dialogue interculturel et la conscience de la valeur de la diversité et de l’égalité, y compris l’égalité entre les sexes ; pour cela il est essentiel d’acquérir les connaissances, les aptitudes personnelles et sociales et la compréhension permettant de réduire les conflits, de mieux apprécier et comprendre les différences entre les confessions et les groupes ethniques, d’instaurer un respect mutuel pour la dignité humaine et les valeurs partagées, d’encourager le dialogue et de promouvoir la non-violence pour la résolution des problèmes et des conflits.
  • g. L’un des objectifs fondamentaux de toute éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme n’est pas seulement d’apporter aux apprenants des connaissances, des compétences et une compréhension, mais aussi de renforcer leur capacité d’action au sein de la société pour défendre et promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit.
  • h. La formation et le perfectionnement permanents des professionnels de l’éducation, des responsables de jeunesse et des formateurs en ce qui concerne les principes et les pratiques de l’éducation à la citoyenneté démocratique et de l’éducation aux droits de l’homme sont essentiels pour la mise en œuvre pérenne d’une éducation efficace dans ce domaine. Ils devraient donc être correctement planifiés et des ressources suffisantes leur être consacrées.
  • i. Afin de tirer le meilleur parti de la contribution de chacun, il convient d’encourager les partenariats et la collaboration entre toute la diversité des acteurs concernés par l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme aux niveaux local, régional et de l’Etat, et notamment entre les responsables de l’élaboration des politiques, les professionnels de l’éducation, les apprenants, les parents, les établissements pédagogiques, les organisations non gouvernementales, les organisations de jeunesse, les médias et le grand public.
  • j. Etant donné la nature internationale des valeurs et des obligations en matière de droits de l’homme et les principes communs qui fondent la démocratie et l’Etat de droit, il est important que les Etats membres poursuivent et encouragent une coopération internationale et régionale pour les activités couvertes par la présente Charte ainsi que pour le recensement et l’échange de bonnes pratiques. 
Gouvernance démocratique

Les Etats membres devraient promouvoir la gouvernance démocratique dans tous les établissements pédagogiques, à la fois comme une méthode à part entière de gouvernance souhaitable et bénéfique et comme un moyen pratique d’apprendre et d’expérimenter la démocratie et le respect des droits de l’homme. Ils devraient encourager et faciliter, par des moyens appropriés, une participation active à la gouvernance des établissements pédagogiques des apprenants, des personnels de l’éducation et des parties prenantes, y compris les parents.

vendredi 7 mai 2010

Comment réinventer la démocratie

À l’occasion des cinquante ans de l’Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale (ADELS), ses militants, administrateurs et salariés renouvellent leur projet associatif et leur raison d’agir. Ils souhaitent partager ce manifeste avec les collectivités, les professionnels, les associations, les réseaux et les citoyens qui le souhaitent, comme fondement des partenariats et des convergences que l’Adels veut sceller avec tous ceux qui réinventent la démocratie.

Faut‐il croire encore en la démocratie ? Les inégalités ne cessent de s’accroître entre les individus et entre les territoires, entre le Nord et le Sud ; la justice sociale est moins que jamais la finalité de l’action publique ; les catastrophes environnementales engendrent de nouvelles injustices ; les libertés publiques et les corps intermédiaires, syndicaux et associatifs, partout, régressent. Dans le même temps, les démocraties représentatives semblent avoir renoncé à jouer leur rôle de régulation politique, quand leurs gouvernements n’accompagnent pas ces évolutions. À travers ce retrait impuissant ou organisé du politique, c’est l’idéal démocratique lui‐même qui semble aujourd’hui atteint.

Dans ce contexte, de nombreuses organisations en France, en Europe et dans le monde remettent en cause le règne du libéralisme dominé par la finance et la marchandisation de toutes les activités. Elles défendent et expérimentent d’autres modèles de développement durable et d’organisation sociale qui promeuvent l’humain contre le profit, et redonnent au politique le primat sur l’économie.

Dans ce mouvement de résistance, l’Adels revendique une place et une démarche propres. Née en 1959 dans le champ de l’éducation populaire, elle n’a cessé d’affirmer la possibilité de changer la société à partir de l’espace local et d’encourager la prise de pouvoir par les citoyens sur leur cadre de vie. Elle souhaite, aujourd’hui, accompagner et soutenir l’action de tous ceux qui partagent cet idéal de citoyenneté active et aspirent à un renouvellement en profondeur de nos démocraties autour de trois principes fondamentaux :
  • l’égalité politique comme droit et comme réalité, c’est‐à‐dire la possibilité pour tous de participer au processus de prise de décision ;
  • la justice sociale comme horizon de l’action collective, c’est‐à‐dire la possibilité pour chacun, à commencer par les classes populaires, de faire entendre ses droits dans l’espace public et de bénéficier d’un partage équitable des richesses ;
  • l’auto‐organisation comme modalité d’intervention citoyenne et comme principe organisateur de la société, c’est‐à‐dire l’encouragement à la recherche de solutions collectives.

Aujourd’hui, l’Adels ne peut se satisfaire des faux‐semblants de démocratie qui ne s’adressent qu’à une partie de la population en laissant de côté les jeunes, les plus démunis et les personnes d’origine étrangère. Elle ne peut se satisfaire d’une démocratie qui opère une sélection sociale par l’usage de codes, de rituels et de niveaux de langages qui aboutissent à l’exclusion d’une partie importante de la population. Elle ne peut se satisfaire de ces concertations prétendument démocratiques qui ne sont qu’information, opération marketing, communication politique ou vague consultation sur des dossiers déjà bouclés.

Face à ces simulacres qui font perdre le sens des mots, l’enjeu est de réinventer la démocratie autour d’une participation réelle des citoyens à l’élaboration des choix collectifs comme à l’évaluation des politiques publiques. Face au dévoiement de la notion de « démocratie participative », il s’agit également d’expérimenter de nouvelles formes de partage effectif de la décision et du pouvoir, dans le cadre d’une démocratie représentative amenée à transformer progressivement ses modes de prise de décision. Face aux forces qui agissent pour transformer les citoyens en simples consommateurs, spectateurs d’un débat auquel ils ont pour la plupart renoncé à participer faute d’y trouver leur place, il s’agit de leur rendre des armes de compréhension et d’action en renouant avec les idéaux fondateurs de l’éducation populaire. Face, enfin, aux idéologies qui font l’apologie de la compétition et de la concurrence comme uniques moyens de régler les problèmes, il s’agit de mettre en avant les principes de la coopération, de la mutualisation, de la solidarité et de la construction de compromis sociaux. L’enjeu est de parvenir à une démocratie authentiquement délibérative, dans laquelle tous les citoyens ont une possibilité égale de participer au débat public et à la construction de la décision.

L’Adels pense qu’une démocratie vivante exige des citoyens engagés. Elle se donne pour mission d’encourager toutes les initiatives, institutionnelles ou extra‐institutionnelles, susceptibles de promouvoir cet idéal. L’Adels est aux côtés des mouvements d’émancipation qui, en France , en Europe et dans le monde travaillent à l’intégration du plus grand nombre dans la sphère publique. Elle accompagne les élus, les institutions et les associations qui poursuivent cet objectif d’inclusion politique.

Au moment où le retour autoritaire et directif de l’État central menace l’autonomie des collectivités locales, et où le principe même d’une décentralisation des pouvoirs est remis en cause, elle réaffirme l’importance d’une démocratie locale non confisquée par des élus, des techniciens ou des groupes d’intérêt. L’Adels promeut toute législation allant dans ce sens, et combat toute initiative régressive dans ces domaines.

L’Adels se veut un soutien des acteurs du changement, par sa revue Territoires, par ses activités de formation et d’accompagnement des acteurs, par les Rencontres de la démocratie locale, par les débats qu’elle provoque en faisant se rencontrer les élus, les techniciens, les cadres et les bénévoles associatifs, les territoires et les peuples du monde. L’Adels est également un réseau militant qui se veut un lieu d’expérimentation, de recherches, de ressources, de mise en relation des acteurs locaux et de réflexion sur les enjeux de renouvellement de la démocratie. En organisant, accompagnant ou contribuant à rendre visibles toutes les initiatives et les débats susceptibles de donner corps à cet idéal de délibération démocratique, l’Adels veut réaffirmer la puissance d’imagination et le pouvoir de transformation de l’idée démocratique au XXIe siècle.

Nous en debattrons les 28 et 29 mai à Grenoble et je vous invite à venir nombreux.