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vendredi 26 mars 2010

Comment transformer l'information en action ?

Twitter, nouveau porte-voix de la rue en Iran ? Les applications de téléphonie mobile, nouveau vecteur de développement ?

Internews Europe organise le 31 mars une projection-débat de "10 tactiques pour transformer l'information en action", un film du Collectif Tactical Tech autour des médias sociaux au service de l'activisme et du travail des ONG.

À travers le monde, les réseaux sociaux et les nouvelles technologies sont de plus en plus largement utilisées par les ONG et les activistes pour servir leurs causes. Venez découvrir comment et repartez avec de nouvelles idées !


Mercredi 31 mars 2010 à 18h30 au Comptoir Général.

jeudi 25 mars 2010

Comment Avaaz crée le buzz autour des OGM

Bien que ce billet ait été publié en mars 2010, il garde toute son actualité tant que le règlement de l'initiative citoyenne à l'échelle européenne ne sera pas mise en place début 2011. Je vous engage à ne pas signer la pétition, mais plutôt à contacter plusieurs eurodéputés de votre circonscription par mail ou par téléphone pour connaître leur position sur les OGM.

Voilà que la barre des 300 000 signataires a été franchie par Avaaz. Il faut dire que comme toute bonne chaine ou comme tout hoax, le message appelant à signer la pétition circule beaucoup.

Le principe est enfantin : jouer sur la crédulité des gens qui propageront le message avec d'autant plus de ferveur qu'ils sont convaincus de la pertinence du message.

Ici Avaaz, que personne ne connaissait il y a encore deux semaines, a lancé une pétition européenne dans le but de récolter le fameux million de pétition pour faire bouger la Commission européenne grâce au Traité de Lisbonne en demandant un moratoire sur les OGM. Or, je vois dans la démarche quelques petits soucis :
  • on ne sait pas encore comment marche le droit de pétition alors que la mise en œuvre du traité de Lisbonne ne date que de quelques mois : combien de pays membres doivent être représentés chez les pétitionnaires et dans quelle proportion pour que la procédure marche ?
  • le fait que des citoyens extracommunataires puisse signer rend peu crédible la démarche, même si le principe est louable
  • ce texte n'est pas tout à fait une pétition, puisque l'exposé des demandes n'est pas clair (quels sont les critères de l'indépendance de l'expertise ? ce n'est pas indiqué ici). Depuis une semaine, l'exposé a d'ailleurs été modifié.
  • pourquoi ce texte n'est pas appuyé par le réseau européen Green10 (regroupant Greenpeace, WWF,...) ou aucune des associations membres ?
Avaaz a certainement réussi son coup : renforcer son nombre de contacts grâce au buzz. Mais l'initiative de la pétition, si elle est peut-être bienfondée, demande surtout à être jugée sur son efficacité.

Un nouvel article sur le site du Parlement Européen ajoute d'autres problèmes :
  • les pétitions en ligne ne seront même pas forcément reconnues pour des raisons de fiabilité des signatures. On ne sait même pas qui va vérifier les signatures.
  • l'objet de la pétition doit-il être vérifié avant le lancement du recueil des signatures pour la pétition ? Si oui, par qui ? Comment ?
Ce nouvel outil de pétition à l'échelle européenne est un premier pas vers l'écoute active des citoyens. On peut parier que les réseaux européens associatifs vont être les premiers à utiliser cet outil pourtant assez limité dès qu'il sera en place début 2011. Il est presque étonnant que l'article parle de démocratie directe, alors le pouvoir de contrainte de la pétition est purement symbolique.

Ajout du 20 avril : La Commission Européenne a publié ce mois-ci une proposition de réglementation . Désormais le Conseil européen et le Parlement doivent se mettre d'accord. Une chose est sûre pour Avaaz, il est fort probable que les éléments qu'ils collectent ne soient pas suffisants : il est question de demander beaucoup plus d'éléments d'identification des personnes, comme par exemple le numéro de carte d'identité ou de sécurité sociale. Cela pose désormais le problème habituel de la protection des données personnelles.
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vendredi 12 mars 2010

Comment s'échapper du tourisme tourisme

L'an dernier dans le monde, ce sont 880 millions de touristes qui se sont déplacés. Parmi eux, seuls 58 millions touristes sont partis à l'étranger en 2008.‎ C'est l'Organisation Mondiale du Tourisme qui le dit.

Rodolphe Christin, dans son Manuel d'antitourisme (vous pouvez lire un autre extrait ici) rappelle combien cette forme de consommation est typiquement moderne :
Nos sociétés de travail et de loisirs produisent le tourisme dont elles ont besoin pour bénéficier d'un peu d'air. Or plus cet air est consommé, plus il est pollué. [...] Néanmoins, à l'heure où nos mobilités faciles sont menacées par la hausse du prix des carburants, quand nous massacrons le monde par notre style de vie, il convient de s'interroger, tant qu'on a encore un minimum de choix : comment s'échapper du tourisme ? Comment s'en passer ? Comment bien vivre sans lui ? Comment voyager autrement ? Vastes questions. Notre relation au tourisme et la nécessité vitale de "partir" interroge la qualité de notre vie quotidienne. Rien de moins. (p.28-107) 

lundi 8 mars 2010

Comment repenser à Dakar

C'était difficile de publier un article depuis Dakar avec la délégation du Conseil Parisien de la Jeunesse partie la semaine dernière pour inaugurer et aider un cybercafé communautaire qu'il avait financé. L'emploi du temps du groupe avait une amplitude horaire qui laissait trop peu de temps au repos et aux activités personnelles. Je vais en profiter maintenant pour réfléchir aux quelques enseignements possibles lors d'un séjour d'une semaine à Dakar, une semaine bien courte au vue de la vivacité de ce coin du monde. On a à peine le temps de s'habituer à la Teranga sénégalaise qu'il faut déjà partir.

Première surprise en arrivant à Dakar, c'est la manière dont les Dakarois conduisent. C'est frappant de voir combien ils conduisent bien mieux que les Français, plus lentement et tellement plus détendus. Durant tout le voyage, je n'ai d'ailleurs vu qu'un seul accident alors que j'aurais pu en voir dans la même période au moins deux ou trois autres si j'étais resté à Paris. J'ai aussi remarqué peu de Dakaroises au volant, certainement la marque des traditions. À part les taxis quand ils voient des blancs, peu de sons de klaxon sse font entendre : peu stressé, moins égoïste, chaque conducteur semble respecter davantage ses voisins et la conduite plus lente est aussi moins dangereuse.

Puis on se rend compte que le ciel est aussi bleu qu'à Paris. C'est-à-dire pas vraiment bleu. Ce bleu très pâle n'a rien à voir avec le bleu de la Côte d'Azur alors qu'à Dakar nous sommes aussi à côté de la mer : la pollution paraît donc équivalente à celle de Paris.

Tous les jeunes relais du Kpote Kiosque ont été très mobilisés durant toute la semaine pour nous accompagner et nous montrer, concentrées sur une semaine, toutes les activités organisées tout au long de l'année. Si, pour le CPJ, le choix en 2007 d'aider la luttre contre la propagation du VIH participait plus à un effet de mode qu'à une réelle réflexion, nous avons pu en apprendre davantage sur le contexte dakarois. La prévalence est faible, juste le double de celle de la France mais ce pays fait face à d'autres défis.
 

La promotion du préservatif doit toujours se prémunir de la critique de l'incitation à la débauche. C'est pour ça qu'il était inenvisageable d'aller distribuer des préservatifs (sans compter qu'en plus nous ne sommes pas sénégalais). On aperçoit aussi l'intérêt des tests rapides utilisés depuis des nombreuses années au Sénégal alors qu'on vient tout juste de l'expérimenter en France. Enfin, comme de nombreuses personnes l'ont remarqué, il est curieux d'avoir choisi le VIH alors que la paludisme est de loin le virus le plus mortel au Sénégal.

Au-delà de ces remarques sur le contexte sénégalais, notre petit projet tournait plus autour de la création du cybercafé. L'idée venait des jeunes relais eux-mêmes et à part les problèmes de maintenance habituels pour le commencement, tout devrait bien se passer une fois que tout sera rôdé. J'ai été d'ailleurs étonné de voir à quel point les jeunes sont aussi en pointe que nous sur les nouvelles technologies par rapport à nos aînés avec le nombre de réunions qui commencent par des powerpoints.


Par contre, je suis un peu plus réservé sur l'impact de ma formation de formateurs pour animer le cybercafé. J'avais en tête de former des personnes-ressources pour qu'elles puissent organiser des formations d'initiation à Internet (création d'adresse électronique, recherche en ligne,...). Finalement, je me suis consacré à la création de blogs, ce qui est aussi utile, mais cela ne va pas contribuer à fidéliser des visiteurs dans le cybercafé.

Dans le contexte mondial, il est cependant important de mieux redistribuer le pouvoir de diffuser de l'information. Un moyen d'éviter les clichés sur l'Afrique est de faciliter la prise de parole des gens. Les blogs contribuent à cela à France et je n'ai même pas eu le temps de me renseigner sur ce qu'il se fait au Sénégal. Une autre initiative est développée par Enda autour de la formation de jeunes journalistes citoyens sénégalais. Je leur ai parlé du coup de la réalisation des films des téléphones portables avec le festival Pocket Films. Chaque mois, cet outil démontre la capacité de démocratiser l'information et la capacité de filmer.

La rencontre avec Enda a été formidable : leur conception du changement participatif converge avec tout ce qui m'intéresse sur Paris. Ils nous ont bien mis en garde sur le contexte de la société sénégalaise, le fait qu'il fallait renégocier le contrat social, et arrêter d'universaliser ses valeurs et commencer à mettre en oeuvre la "pluriversalisation". Enda-Ecopole mène aussi tout un travail autour de l'innovation pédagogique, notamment autour de la reconnaissance des compétences acquises sur le tas.

Les gens qui composent ce réseau semblent faire un travail exceptionnel sur le renforcement des capacités (empowerment) et j'ai bien senti qu'il y aurait tant de choses à apprendre auprès d'eux (comme volontaire comme le soufflait l'ambassade ?). Notamment sur l'évaluation, nous avons une discussion à table sur la nécessité d'organiser des évaluations non-formelles, en misant sur le caractère convivial. Leur boutique d'objets issus du recyclage nous a par ailleurs mené à nous interroger sur ce qui est attendu de nous : lorsqu'il s'agit d'acheter "solidaire", on ne sait plus s'il faut recommencer le rituel de la négociation des prix.

Toutes les associations rencontrées font à la fois un vrai travail de terrain, mènent des réflexions, et il y a cette attention portée à l'informel qui me ravirait si elle n'était pas en lien direct avec un État-providence faible. Au lieu du défaitisme, les Sénégalais montre une certaine vivacité dont on manque un peu en France.

Durant ce séjour, il y a eu des moments d'apprentissage pour comprendre un peu mieux ce pays et l'impact de notre projet, il y a eu des moments d'enseignements autour du cybercafé, ainsi que des moments surréalistes et des moments de grand embarras.

Quelles perspectives ?

La fin du séjour n'avait pas que le parfum de la nostalgie : Mass Kodjo de l'association Action pour le Civisme et la Citoyenneté nous explique que la grande majorité des Français une fois repartis en France ne donnent plus de nouvelles. C'est d'autant plus injuste qu'il se donne beaucoup de mal pour nous accueillir, nous accompagner (sans d'ailleurs qu'on se préoccupe trop de savoir à quel point on perturbe sa vie personnelle). C'est ce même regard que j'ai eu aussi l'impression de retrouver avec les personnes du Kpote Kiosque venues nous souhaiter un bon voyage à l'aéroport. Puisque cette méfiance doit être justifiée, j'espère que nous serons plusieurs du groupe à faire mentir cette réputation d'égoïsme.

Tout cela me rappelle la critique du tourisme occidental : on consomme de l'exotisme, puis tout part à la poubelle. Cependant nous ne sommes pas partis faire du tourisme.

À court-terme, il y a une multitude d'initiatives que certains membres du Conseil Parisien de la Jeunesse pourront aider autant que possible à distance. Durant toute la semaine, je me suis demandé si d'une part l'objectif principal du voyage a été réussi : est-ce que le cyber est bien parti pour assurer la pérennité des activités du centre communautaire ? Pleins de petits détails qui renforcent ou diminuent la pertinence du projet sont apparus durant notre séjour. Ce sont ces petits détails qui montrent combien nous étions en décalage en pensant "depuis Paris". Une visite intermédiaire aurait permis d'affiner les besoins bien davantage. Quand on voyage, il y a les effets non-prévus, les rencontres qui nous aident à percevoir d'autres limites de ce petit projet.

A moyen-terme, difficile de ne pas prévoir d'y retourner. Une semaine à Dakar ou ailleurs, on en revient toujours à la même conclusion : on ne peut pas construire grand chose sans connaître les habitants. Je considère a posteriori cette petite expédition comme une visite de faisabilité. C'est pour cette raison que j'ai acheté une carte de Dakar et un dictionnaire wolof-français.

L'idée de réaliser un volontariat (d'ici mes 28 ans donc) va continuer de me trotter dans la tête.

Comment Paris a pris un temps de retard dans la concertation

On me signale l'évènement suivant qui pourra intéresser les lecteurs parisiens de ce blog.

"Paris, un temps dʼavance" : cʼétait le slogan de campagne de Bertrand Delanoë sollicitant les suffrages des Parisiens en 2008. Pour rallier les associations de défense de lʼenvironnement, il leur promettait monts et merveilles en matière de concertation.

Trois ans plus tard, les associations ne sont pas déçues : elles sont en colère. Dans toutes les grandes opérations dʼaménagement qui conditionnent lʼavenir des Parisiens, la concertation est soit tombée en panne lorsquʼelle existait, soit demeurée au stade des promesses électorales.

Les associations retournent donc le slogan et disent : "Concertation à Paris, un temps de retard". Pour présenter le dossier complet et argumenté de cet échec de la démocratie participative à Paris et réclamer que l'équipe municipale respecte ses engagements de 2008, les associations organisent une réunion dʼinformation :

Jeudi 11 Mars à 18h30
au Centre culturel Cerise - 46 rue Montorgueil
 
dans le 2e arrondissement
Métro Sentier, Etienne Marcel, Les Halles

Associations invitantes :
Plateforme des associations parisiennes dʼhabitants
Accomplir (Les Halles, La Samaritaine) – www.accomplir.asso.fr
Association Eco-ZAC des Batignolles (Clichy-Batignolles) – www.ecozacbatignolles.org
Association ACTEVI (Tour Triangle) – http://touchepasamonciel.unblog.fr
Paris Banlieue Environnement (Paris Nord-Est) – http://assospbe.free.fr
XVIe DEMAIN (équipements sportifs du 16ème)
Coordination pour la Sauvegarde du Bois de Boulogne
Tam-Tam (Paris Rive gauche, Bercy-Charenton) – www.associationtamtam.fr


Un document exposant les raisons du mécontentement associatif sera remis. Sur le même sujet, on pourra aussi lire un chapitre d'un livre paru ce mois-ci consacré à la démocratie participative écrit par Marie-Hélène Bacqué, Yves Sintomer, Amélie Flamand et Héloïse Nez : La démocratie participative inachevée. Genèse, adaptations et diffusions.

jeudi 4 mars 2010

Comment le Canada se préoccupe de l'accès à l'information

Le principe est simple :
« La loi en matière d'accès à l'information a […] pour objet général de favoriser la démocratie, ce qu'elle fait de deux manières connexes. Elle aide à garantir, en premier lieu, que les citoyens possèdent l'information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique, et, en second lieu, que les politiciens et bureaucrates demeurent comptables envers l'ensemble de la population. »
Le journalisme de données fait les choux gras d'une presse en quête de scoop sur les multiples dérapages des élus qui confondent leur propre carte bleue avec celle de leur ministère (Suède) ou encore ceux qui exagèrent avec les remboursements de notes de frais (Grande Bretagne). De quoi donner envie de militer pour une plus grande liberté d'informer ?

Un des intérêts des lois qui existent en Europe ou en Amérique du Nord est dans l'exigence d'une réponse dans un certain délai. Cette question est essentielle dans le cas de la mise en oeuvre du droit à l'information. Si l'on obtient des documents administratifs un an après l'avoir demandé, il est probable que l'intérêt en soit diminué.
Au Canada, la loi sur l'accès à l'information exige une réponse en moins de 31 jours aux demandes inviduelles de journalistes ou de citoyens. Or indique le journal Le Devoir, "il est maintenant courant que les délais s'étirent sur quatre, cinq ou six mois, voire davantage. Par exemple, au ministère des Affaires étrangères, aucun document concernant l'Afghanistan n'est traité en moins de 300 jours."

Voilà pourquoi la Commissaire chargée de l'accès à l'information a lancé une enquête pour comprendre comment certains ministères pouvaient dysfonctionner autant. À quand une loi similaire en France ? La Ligue des Droits de l'Homme proposait pour la démocratie locale que ce même délai d'un mois soit transposé pour les réponses aux citoyens désireux d'accéder à des documents administratifs. Nous reparlerons des faits un peu plus tard.